par Lauréline Fontaine
Ce texte paraîtra dans le volume dirigé par Marie-Elisabeth Baudoin, Des juges aux Yeux Bandés, à paraître aux éditions de l’Institut Jointe en 2026.
Parler d’« inconséquence » et de « fabrication » de la dépendance politique de la justice constitutionnelle a résolument une connotation négative pour les institutions dont on parle. Le moins que l’on puisse dire est que cela n’est pas dans les habitudes de la doctrine constitutionnaliste française. Il s’ensuit que cette évaluation négative est facilement taxée de jugement d’ordre politique, voire partisan. C’est pour le moins étonnant qu’une activité de type scientifique – ce à quoi prétendent les universitaires auteurs de doctrine – prennent pour étalon de neutralité les institutions, cantonnent l’activité critique à la formulation d’un espoir de leur amélioration, et rejettent la critique radicale hors de ses sentiers. Si l’on étudie les institutions politiques, il faudrait les aimer… ou, au moins, celles qui ont fait l’objet d’une élection par la doctrine. Ce serait même un privilège réservé à la doctrine constitutionnaliste occidentale que de pouvoir se vanter de ses institutions politiques, celles qui incarnent les évolutions libérales et démocratiques de nos sociétés et qui ont servi de modèle au monde entier. On comprend donc que l’activité de recherche en droit constitutionnel ne travaille sur son objet que pour – surtout – le préserver, avec l’idée implicite ou explicite, et en tout cas presque jamais interrogée, qu’il est un très grand bien[1]. La présente étude, ne relevant pas de l’acte de validation des institutions politiques, a une portée éminemment politique, ni plus ni moins qu’un travail qui servirait les intérêts des institutions. Il s’agit, à considérer l’objet d’étude – le Conseil constitutionnel et son activité – débarrassé de ses attraits supposés, avec pour finalité de le disséquer pour ce qu’il est, pas pour ce qu’il est supposé être. Ce faisant, il s’agit aussi de mettre les différents discours en perspective, ceux des institutions et ceux de la doctrine, et de les prendre tels qu’ils se présentent et disent se présenter. En bref, il s’agit d’un travail « critique » au sens de la recherche, c’est-à-dire qui « implique une méthode d’examen mettant en jeu des critères variables selon les domaines, d’après lesquels il est possible de discerner les parts respectives des mérites et défauts d’une entreprise, d’une œuvre, d’un système de pensée »[2]. En ce sens, la démarche critique distingue assez clairement l’activité de recherche de l’activité politique, même s’il s’agit de chercher sur ce qui est politique.
Pour mener cette ambition critique, il faut donc avoir un modèle critique, qui sert à évaluer la réalité des faits et de la pensée. C’est l’étalon qui permettra de ranger tel ou tel fait comme relevant du « défaut » ou du « mérite ». Mais il ne suffit pas que ce modèle existe, il faut ensuite s’en servir. Mon travail part du constat que le modèle de justice constitutionnelle construit tout le long du XXè siècle en Europe, y compris par des juristes français, n’a pas rempli la fonction critique que tout modèle est censé remplir. La fonction critique du modèle de justice constitutionnelle a été en effet assez largement ignorée par ceux qui détenaient le savoir en la matière. Les faits n’ont pas été confrontés au modèle, et c’est le modèle qui s’est substitué aux faits. Cela explique que, en 2025, la situation de la justice constitutionnelle en France est plus mauvaise qu’en 1990, alors que, à lire la doctrine, on eut dit le contraire. On a beau dire ou entendre ici ou là que la doctrine constitutionnaliste française est d’accord sur le constat qu’il y a un « problème » avec le Conseil constitutionnel, la dite critique reste essentiellement feutrée, en ne dépassant que peu les limites de l’Université, et en ne laissant souvent rien paraître, comme lorsque l’institution et ses membres sont les invités d’honneur d’événements universitaires ou que les universitaires collaborent en bonne entente avec l’institution pour éditer sa revue, ou font de la recherche directement financée par l’institution. On sait d’ailleurs qu’avoir un discours un peu trop critique à l’égard de l’institution vous prive d’une partie de ses accès.
A l’analyse pourtant, confrontée au modèle de la justice et de la justice constitutionnelle construit par les institutions internationales et européennes et par la doctrine depuis environ un siècle et principalement depuis l’après seconde Guerre Mondiale, la situation du Conseil constitutionnel est désastreuse. Plusieurs questions sont concernées : l’indépendance, l’impartialité, la déontologie et la transparence, la compétence et la qualité des décisions. Au regard des missions attribuées à l’instance, ce qui pourrait pour certains relever de menus défauts, contrarie en réalité les fondements supposés libéraux et démocratiques du régime. On se concentrera ici sur les seules caractéristiques organiques de l’institution. Parce qu’il est dit rendre la justice constitutionnelle, le Conseil constitutionnel doit être soumis au modèle d’évaluation de la justice constitutionnelle[3].
I. La mission du Conseil constitutionnel : rendre la justice constitutionnelle
En France, il revient au Conseil constitutionnel la mission de juger des scrutins politiques nationaux qui trouvent leur fondement dans le texte constitutionnel (élections présidentielles, élections législatives, référendums), de veiller au respect de la répartition des compétences entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif (telle qu’organisée dans les articles 34 et 37 de la Constitution française et telle que résultant de la rationalisation du parlementarisme attribuant à l’exécutif, dans le titre IV du texte, des prérogatives déterminantes quant à la direction de la procédure législative), de se prononcer sur la conformité des accords internationaux au texte constitutionnel, et enfin de vérifier la constitutionnalité du règlement des assemblées, des lois organiques et des lois ordinaires dont il aurait été saisi. Plus spécifiquement, dans le cadre de la procédure d’examen des lois a posteriori, permettant à un justiciable de demander à ce que la constitutionnalité d’une loi soit examinée, qui déterminerait l’issue de son procès, le Conseil constitutionnel doit porter son attention sur l’atteinte aux « droits et libertés que la constitution garantit » (article 61-1). On peut donc dire que, dans la mesure où le Conseil constitutionnel exerce ces missions de manière exclusive, c’est-à-dire qu’il ne partage pas cette compétence avec d’autres organes, et qu’il n’exerce lui-même pas d’autres compétences (sauf consultatives auprès du pouvoir exécutif principalement), il est ainsi chargé de rendre la justice constitutionnelle.
Cette conclusion est loin d’être anodine. Elle oblige même. Car la théorie et les principes politiques en vigueur dans les sociétés de tradition libérale, puis démocratique, abordent la notion de justice constitutionnelle sous un angle prescriptif : pour être dite conforme à la tradition libérale et démocratique, l’organisation et la délivrance de la justice doivent obéir à des conditions définies. Il ne s’agit pas seulement que la justice constitutionnelle soit ce qui est effectivement fait en son nom. C’est à partir de cette idée fondamentale d’ailleurs que la justice constitutionnelle dans beaucoup de pays est évaluée comme non conforme à la tradition libérale et démocratique, et que les « experts » des pays issus de cette tradition se déplacent et conseillent les pays s’ouvrant à la tradition[4]. La Commission européenne pour la démocratie par le droit, dite Commission de Venise, créée en 1990 par le Conseil de l’Europe et qui comporte des experts de chaque pays membre, est l’incarnation parfaite de la structuration de la pensée constitutionnelle autour d’un « modèle » destiné à servir tout à la fois de grille de construction de nouvelles institutions et d’évaluation de celles créées et/ou déjà existantes. Dans cette perspective, l’élargissement de l’Europe de tradition libérale aux pays issus de l’ex-URSS devait passer par une assistance spécifique en matière constitutionnelle. Le modèle existait, et il suffisait de s’en servir. C’est peut-être parce qu’il était manifeste que le Conseil constitutionnel français ne répondait en rien aux conditions qui étaient exigées pour la construction et l’évaluation des systèmes de justice constitutionnelle en Europe, en Afrique ou en Asie, que ce travail ne fut pas vraiment entrepris s’agissant de l’instance française, laissant croire à sa conformité générale au modèle, même si on pouvait concéder, ici et là, quelques défauts à améliorer. Disons que les études très ou radicalement critiques étaient réservées aux colonnes que seuls les collègues liraient. S’agissant d’une institution politique engageant l’État de droit et a démocratie, la confidentialité avait un goût amer. L’introduction du contrôle des lois a posteriori en 2008 accentua même l’effet de « ravissement » de la doctrine constitutionnaliste dans son ensemble[5], soutenu en cela par les milieux d’affaires qui se mirent aux aussi à faire doctrine sur cette nouvelle procédure[6]. Un regard un peu soutenu rompt cependant avec le contentement : comment croire à l’idée que la justice est effectivement rendue lorsque les juges-contrôleurs sont dans un lien d’intimité et de connivence avec l’activité et les personnes contrôlées ?
II. La situation d’intimité et de connivence entre les contrôleurs et les contrôlés
Depuis 1959, des nominations au Conseil constitutionnel ont lieu tous les trois ans[7], à concurrence d’une personne nommée par chacune des trois autorités compétentes : le président de la République, le président du Sénat, le président de l’Assemblée Nationale. A faire la sociologie des personnes nommées, on peut constater que c’est très majoritairement dans les rangs des amis politiques des autorités de nomination que les conseillers ont été choisis, même lorsqu’il s’est agi de nommer des professeurs de droit, de science politiques, ou des avocats. La tendance récente, depuis une vingtaine d’année, est toutefois moins de nommer des amis politiques que des personnes qui ont eu une carrière politique, principalement au niveau national. La nomination de Richard Ferrand comme nouveau président du Conseil constitutionnel par décret du 20 février 2025 réunit les deux caractéristiques : il s’agit d’un ami politique du Président de la République et, bien que sa carrière politique n’ait pas été si longue, il fut ministre et président de l’Assemblée nationale. Dans cette dernière fonction d’ailleurs, il nomma lui-même deux des membres du Conseil, Alain Juppé, ancien Premier Ministre, et Véronique Malbec, toujours en fonction actuellement. Cette configuration dit beaucoup de ce qu’on peut penser de la figure du Conseil constitutionnel comme juge constitutionnel exerçant ses fonctions : il n’est pas un contre-pouvoir réel car, au contraire, il est « tout contre le pouvoir »[8].
Qu’en en juge : entre 1959 et 2019, 64 % des membres nommés avaient occupé des fonctions politiques auparavant (au niveau local et national le plus souvent, dans les exécutifs et les assemblées), et les autres membres nommés avaient exercé des fonctions administratives très près du pouvoir (conseiller auprès d’un ministre, recteur, secrétaire général d’une assemblée, directeur de cabinet, ministériel ou du président d’une assemblée parlementaire). Pendant les premières décennies, il y avait surtout des personnalités politiques « liées » aux autorités de nomination, qui n’avaient pas forcément d’envergure politique nationale, à l’exception des anciens présidents de la République[9]. Toutefois, le XXIè siècle a connu une inflexion de ce modèle, par le caractère plus systématique du profil proprement politicien des personnalités nommées : entre 2014 et 2019, trois anciens Premiers ministres ont intégré le Conseil (Lionel Jospin, Laurent Fabius et Alain Juppé) alors qu’aucun de leurs prédécesseurs n’y avaient été nommés … Depuis 2007, la très politique présidence de l’Assemblée nationale s’est muée en tremplin pour la présidence du Conseil constitutionnel puisque les trois derniers présidents – Jean-Louis Debré, Laurent Fabius et Richard Ferrand désormais – avaient exercé cette fonction, ce qui n’était jamais arrivé jusqu’alors. Avant les nominations du mois de février 2025, le Conseil comprenait donc deux anciens Premiers Ministres, deux anciens ministres, deux anciens parlementaires, une ancienne directrice de cabinet du ministre de la justice, un ancien directeur de cabinet du président du Sénat, également actuellement en exercice, et l’ancienne secrétaire générale de l’Assemblée Nationale. En février 2025, le Président de la République a donc nommé Richard Ferrand, son ami, ancien ministre et ancien Président de l’Assemblée nationale ; le président du Sénat a nommé un sénateur historique, alors en mandat, Philippe Bas, et la présidente l’Assemblée nationale a certes nommé une ancienne magistrate, Laurence Vichnievsky, mais engagée depuis de nombreuses années dans la vie politique et devenue députée en 2017, un mandat qu’elle conservera lors des élections de 2022 mais qu’elle perdra en juin 2024. Depuis le mois de mars 2025, le Conseil comprend donc désormais un ancien Premier ministre, trois anciens ministres (qui ont tous été parlementaires), deux anciens parlementaires, une ancienne directrice de cabinet du ministre de la justice, un ancien directeur de cabinet du président du Sénat, et un ancien haut-fonctionnaire ayant également évolué dans le secteur des assurances. Pour antérieure que soit l’appartenance politique de la plupart des membres du Conseil constitutionnel, elle reste toutefois très « actuelle » : aujourd’hui en effet, six membres sur neuf sont liés à des forces politiques ou des personnalités qui exercent actuellement le « pouvoir » dont il s’agit de contrôler les actes. Au regard des missions que doit remplir le Conseil constitutionnel, entre contrôle des lois a priori et contrôle a posteriori, et au regard du respect des principes liés à une justice indépendance et impartiale, la situation de ses membres le rend inapte à rendre la justice constitutionnelle.
S’il s’agit en effet de contrôler des actes législatifs (et réglementaires dans le cadre de la procédure de l’article 37 de la Constitution), il arrive régulièrement que plusieurs membres de l’instance y aient « trempé », soit qu’ils aient participé à son élaboration en étant haut-fonctionnaire ou collaborateur des pouvoirs exécutif ou législatif[10], soit qu’ils aient été membre du gouvernement qui a pris l’initiative du texte[11] ou a été chargé de son application[12], soit qu’ils aient participé à son adoption s’ils étaient parlementaires, en l’approuvant ou en la rejetant[13]. Comme personnalité politique, ils peuvent aussi avoir particulièrement œuvré sur certains sujets, en faisant par exemple adopter des lois, dont les modifications postérieures peuvent leur être soumises lorsqu’ils deviennent « juges », parasitant la compréhension de leur situation d’impartialité vis-à-vis de ce qu’ils ont à juger[14]. S’il s’agit encore de se prononcer sur un texte législatif à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par un « justiciable », il arrive régulièrement que les membres de l’instance connaissent le justiciable en question : depuis l’entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité en effet, les personnalités politiques ont volontiers recours à cette procédure, qu’il s’agisse d’anciens membres de l’exécutif ou du Parlement[15]. S’agissant également du contentieux des élections législatives, et à certains égards référendaire, la participation antérieure et active à la vie politique de la plupart des membres du Conseil rend leur impartialité douteuse, jusqu’à connaitre, ne serait-ce que parce qu’ils ont été ou des opposants ou des alliés politiques, la ou les personnes impliquées par le contentieux. C’est évidemment le cas lorsque le scrutin contesté implique une personnalité politique « en vue ». A cela, on peut ajouter que la situation de « mélange » de la vie politique, administrative et économique que nous connaissons aujourd’hui, où les mêmes personnes occupent successivement brouille encore l’appréciation qui pourrait être faite du travail des neuf membres du Conseil : tel président du Conseil juge d’une loi dont la stratégie a été élaborée par un cabinet de Conseil dans lequel son fils est associé[16], telle autre d’une loi sur l’immigration pour laquelle son mari est et sera en première ligne, car directeur de la police nationale[17].
Les cas dans lesquels les membres du Conseil constitutionnel sont dans une situation objective de partialité vis-à-vis de la cause ou des personnes impliquées directement ou indirectement dans la cause sont si nombreux que cela place le Conseil dans une situation structurelle de partialité et non d’impartialité comme il se devrait. Hélas cette dernière idée de situation structurelle, qui invalide tout propos sérieux sur le travail du Conseil constitutionnel, n’est presque jamais avancée par la littérature constitutionnaliste[18], ni prise vraiment au sérieux, puisqu’il s’agit toujours de faire comme si le travail du Conseil pouvait être scrupuleusement associé à celui de la justice constitutionnelle, alors que la pratique de l’instance française ne correspond à quasiment aucun des critères qui devrait la caractériser[19]. Tant qu’on commente en droit les décisions, qu’on cherche leur cohérence ou leur incohérence, on valide mécaniquement le travail du Conseil constitutionnel au titre de la « justice constitutionnelle ». Que ne dit-on pas à propos des cours constitutionnelles et suprêmes à l’étranger dont le fonctionnement est comparable, même si, comme par exemple dans le cas de la Cour suprême américaine, la situation de partialité est parfois beaucoup moins structurelle[20] ? L’inconséquence de la doctrine constitutionnaliste concernant les conditions de la justice constitutionnelle en France est durable. Si les nominations sont fréquemment et régulièrement critiquées, cela n’emporte pas, à suivre ses silences, de jeter le discrédit sur la justice et les décisions rendues. Plus même, on travaille avec le Conseil constitutionnel[21]. S’il ne s’agit pas de rendre la doctrine constitutionnaliste responsable de la situation présente, on peut imaginer qu’elle n’aurait peut-être pas perduré de cette façon si elle avait accepté de rester dans son camp, celui de l’observation critique.
III. La pérennisation volontaire des mauvaises pratiques des autorités de nomination et des conseillers
Alors que la doctrine s’honore d’avoir poussé à l’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité en France, elle est encore trop complaisante avec la conception de la justice constitutionnelle qu’ont les autorités de nomination et les personnalités nommées. Cett conception est la conséquence de leur volonté de garder la justice constitutionnelle dans le giron de l’activité politique, patente en France comme dans la plupart des autres pays du monde[22]. En tant qu’elle pourrait constituer des freins à la volonté non limitée d’exercer le pouvoir, la confier au personnel politique évite ce péril, quitte à rester à l’écart des principes dont le respect est reconnu comme concourant à une société démocratique.
Cela commence par les règles – et les absences de règles – qui gouvernent la désignation des conseillers et l’administration de la justice constitutionnelle, autorisant de « mauvaises » pratiques, également permises par la faiblesse des autorités politiques. Le système français est en effet d’abord connu pour ne pas exiger de qualifications ni d’expérience particulières pour « entrer » au Conseil constitutionnel. Pas tout à fait unique dans le monde, puisque ce système existe aussi aux États-Unis et en Suisse, sa pratique en revanche l’est. En effet, les autorités de nomination française se caractérisent par un certain systématisme dans le fait de ne pas nommer des juristes, lorsque, dans les deux autres pays où aucune qualification ou expérience n’est requise, ce sont beaucoup plus souvent des juristes que des non juristes qui sont nommés à la Cour suprême ou au Tribunal Fédéral. En France, la compétence et l’expérience juridiques sont même raillées[23], et leur absence souvent traitée avec ironie, lorsque, à l’occasion des auditions des candidats pressentis auxquelles se livrent la Commission des lois de chaque assemblée parlementaire, elle est mise au grand jour par les candidats et les parlementaires[24]. Si on s’étonne que le Conseil constitutionnel, dans son activité de rendre ses décisions, estime que l’organisation d’une juridiction doit reposer sur des qualifications minimales alors que ses propres membres n’en ont aucune, c’est sans comprendre qu’il déconsidère la mission qu’il exerce lui-même[25].
Au-delà même de l’absence de qualification ou d’expérience en droit, c’est peut-être l’inintérêt pour les questions constitutionnelles qui pose question. On peut être historien, économiste, philosophe ou sociologue ou simple citoyen et être un très fin connaisseur du projet constitutionnel, de son histoire, de ses expériences, en France et à l’étranger. Mais ce n’est pas non plus un critère à partir duquel raisonnent les autorités de nomination. Il faudrait avant tout avoir l’expérience de l’activité politique, ce qui n’est évidemment pas du tout la même chose. Cet inintérêt pour la chose constitutionnelle se manifeste aussi dans le fait que, contrairement cette fois aux États-Unis et à la Suisse (et à tous les autres pays comparables), il n’existe aucune disposition relatives à l’existence d’assistants affectés auprès de chacun des conseillers : ceux-ci se trouvent statutairement seuls pour examiner des questions dont ils n’ont jamais été les spécialistes et pour lesquelles, s’agissant de la majorité d’entre eux, ils n’avaient jusqu’alors manifesté aucun intérêt particulier. Les conseillers peuvent certes demander assistance auprès du personnel composant le service juridique du Conseil constitutionnel, mais on comprend ici la différence avec les autres juges constitutionnels ou suprêmes, qui tous forment une véritable équipe doctrinale susceptible d’entrer en discussion avec les autres. Il est ainsi notoire que le secrétaire général du Conseil (toujours, sauf une fois dans l’histoire, un conseiller d’Etat) a une autorité morale pour proposer la décision au collège des conseillers car lui travaille constamment avec le service juridique et ses membres. Mais cette situation a satisfait presque tous les conseillers depuis 1959 : il ne s’en est pas trouvé pour réclamer des assistants pendant qu’ils étaient en fonction, et encore peu ont exprimé ce besoin une fois leur mandat achevé, ce qui est donc toujours trop tard[26].
Les personnalités politiques s’exprimant « contre » la nécessité de qualifications ou d’expérience juridique sont assez nombreuses, et elles ont parfois le relais de la doctrine juridique. Un argument intéressant vient des conflits générés à l’étranger par les procédures de nomination dans les cours constitutionnelles et suprêmes : dans les autres pays en effet, le fait de poser des conditions de formation ou d’expérience n’empêche pas que la nomination des membres des cours constitutionnelles ou suprêmes soit souvent un véritable problème politique, générant même des blocages, parfois longs, ce qui justement ne semble pas le cas en France. Les règles et les pratiques existantes favoriseraient ainsi la sérénité de la procédure de désignation des conseillers ce qui rejaillirait ensuite sur l’exercice de la justice constitutionnelle. Mais c’est toujours envisager la question sous un angle exclusivement politicien en rejetant ce qui est censé faire le spécifique de la justice constitutionnelle, une limite à l’exercice du pouvoir politique. A l’étranger, les nominations posent souvent problème parce que la forte compétence dans candidats pressentis dans le domaine juridique, couplée à leur affiliation politique, est évidemment de nature à inquiéter les autorités dans l’exercice de leur pouvoir, exécutif ou législatif. Sans que l’on se mette à souhaiter des blocages comme l’Italie, l’Espagne, parfois l’Allemagne ou la Belgique peuvent en connaître, ils sont néanmoins la manifestation de ce que la justice constitutionnelle est crainte[27]. Si en France, les clivages politiques et idéologiques cessent dès qu’il s’agit de la justice constitutionnelle, ce n’est pas parce qu’on la craint et la respecte, c’est au contraire parce qu’il a existé jusqu’ici un consensus implicite sur le fait de la rendre la plus inoffensive possible vis-à-vis de l’action politique. A observer le système politique, on s’aperçoit qu’il s’agit de minimiser les risques que le Conseil puisse devenir un véritable contre-pouvoir. Les « mauvaises habitudes » prises par les autorités de nomination depuis 1959 ne sont pas tant des coutumes que la manifestation de la faculté de veiller à une forme de neutralisation de la justice constitutionnelle.
Depuis soixante-cinq ans, aucune réforme n’a été entreprise pour poser des règles qui auraient comme ambition affichée et comme effets possibles la nomination de personnalités qui, par leurs qualifications, leur expérience, et leurs intérêts, pourraient faire de la justice constitutionnelle autre chose que ce qu’elle est. Cette posture des autorités de nomination depuis les origines du Conseil constitutionnel est cohérente avec le fait qu’on n’ait jamais supprimé la présence de droit et à vie des anciens présidents de la République au Conseil constitutionnel. Les nominations de 2010 sont à cet égard révélatrices. Au moment même où la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité va entrer en vigueur, ouvrant la voie à un contrôle a posteriori et à l’initiative des justiciables (et pas des « citoyens » comme on l’entend trop souvent), symbole de l’avènement en France de ce qui serait une véritable justice constitutionnelle, les trois autorités de nomination décident de nommer trois personnalités éminemment politiques : Michel Charasse (deux fois ministre et sénateur depuis 1981), Jacques Barrot (député quasiment sans interruption depuis 1967, plusieurs fois ministre et commissaire européen) et Hubert Haenel (sénateur pendant vingt-quatre ans). Le message était très clair : la justice constitutionnelle est demeurera maitrisée par le pouvoir politique dont il s’agit pourtant de contrôler l’exercice au regard de la norme constitutionnelle. De ce point de vue, si la réforme de 2008 avait légèrement dilué la responsabilité de la nomination en donnant un pouvoir de contrôle aux parlementaires membres des commissions des lois, sa mise en œuvre n’a fait que rendre plus apparents les rapports de connivence entretenus entre les futurs conseillers et le monde politique.
Le déroulement des auditions est en effet assez déplorable à observer, qui révèle l’état d’esprit dans lequel les nominations sont faites. D’une durée oscillant entre une et deux heures, elles révèlent l’état d’esprit de tous, parlementaires et candidats, vis-à-vis de la justice constitutionnelle. Si la fragmentation récente de la composition politique de l’Assemblée nationale[28] et une forme de détestation de la personnalité du président de la République dans certaines formations politiques[29] ont rendu les auditions des candidats de ce dernier plus chahutées devant la Commission des lois de l’Assemblée Nationale[30], il se trouve encore suffisamment de parlementaires pour estimer que nommer des personnalités à la carrière politique est légitime et même nécessaire, et qu’il n’est pas, de ce fait, besoin de s’assurer de leurs connaissances à propos de la Constitution ni de leur conception de la justice constitutionnelle. On s’aperçoit d’ailleurs – et la nomination récente de Richard Ferrand l’a rendu encore plus patent – que la réforme des nominations intervenue en 2008 et destinée à les rendre plus collégiales en évitant l’arbitraire d’un seul (le président de la République, le président du Sénat ou le président de l’Assemblée nationale), est restée en deçà de cet affichage puisque, pour que les parlementaires puissent empêcher une nomination, ils doivent, conformément à l’article 13 de la Constitution française, se prononcer explicitement contre à la majorité des trois-cinquièmes, ce qui, dans un système majoritaire comme l’est le système français, rend l’opposition particulièrement difficile à activer. Même avec un Président de la République en position nettement minoritaire à l’assemblée, cette majorité des trois cinquièmes n’a pas été atteinte en février 2025 puisqu’il fallait 59 voix sur les 97 exprimées contre la candidature de Richard Ferrand pour que celle-ci soit rejetée… et il s’en est seulement trouvées 58. Ici, le problème se double de ce que, depuis toujours, c’est le président de la République qui désigne le président du Conseil constitutionnel, ainsi qu’était pressenti Richard Ferrand. De fait, ont toujours été nommés des fidèles ou des « amis », qui ont d’ailleurs toujours continué d’entretenir des relations personnelles avec leur Président durant l’exercice de leur mandat[31]. C’est la raison pour laquelle, dans beaucoup d’autres démocraties, le président de la Cour constitutionnelle est désigné par ses pairs, ou en application d’une règle dont l’effet est de dépolitiser la fonction[32], et d’abaisser la justice constitutionnelle à un niveau purement politicien[33].
IV. La justice constitutionnelle réduite à une fonction politicienne
Nantis de leur conception politicienne de la mission de justice constitutionnelle, ses organisateurs et ses praticiens instituent des règles et ont des pratiques dont ils semblent ne pas apercevoir la contrariété aux principes élémentaires de la justice dans un système démocratique et d’État de droit. On peut ainsi découvrir que le règlement adopté par le Conseil en 2010 pour fixer la procédure en matière de question prioritaire de constitutionnalité indique que « le seul fait qu’un membre du Conseil constitutionnel a participé à l’élaboration de la disposition législative faisant l’objet de la question de constitutionnalité ne constitue pas en lui-même une cause de récusation »[34], témoignant d’une grande largesse à l’égard du principe d’impartialité des membres de l’instance dans l’exercice de leurs fonctions. Car si l’on sait que, dans l’exercice de leurs fonctions précédentes, la majorité d’entre eux a eu à connaître de l’activité législative, on comprend que cette disposition place sous l’illégitime sceau de la légalité des situations de jugement pourtant contraires au principe d’impartialité, au moins dans sa version « objective ». La Cour européenne des droits de l’homme a eu en effet à préciser qu’une juridiction doit au moins donner les apparences de l’impartialité, pour ne pas contribuer à jeter un doute légitime sur les décisions qui sont rendues[35]. C’est plus largement le problème de l’organisation du Conseil constitutionnel que de ne fixer aucun cas ni aucune liste des cas de récusation ou de déport[36], comme le font la plupart des juridictions, permettant en principe une justice plus transparente et aux justiciables de s’en assurer. On comprend, dans ces conditions, que les demandes de récusation soient assez peu nombreuses : lorsqu’une juridiction agit en toute opacité et juge fréquemment selon les apparences de la partialité (voir les cas cités au début de cette contribution), une forme de pression s’exerce sur les justiciables qui se limitent volontairement dans l’usage des procédures qui sont normalement faites pour leur permettre de s’assurer de l’indépendance et de l’impartialité de la justice. Et la pratique des conseillers en matière de déport est en effet à la fois anarchique et opaque : anarchique parce que si des déports se produisent, et beaucoup plus souvent aujourd’hui qu’avant l’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité dans le système français, ils ne semblent pas obéir à une logique ou une doctrine que se serait donnée, en suivant une démarche éthique, le Conseil constitutionnel[37] ; opaque parce que les déports n’ont pendant longtemps pas été explicites (on ne savait pas si l’absence d’un conseiller au délibéré, même dans le cas où il y avait eu une demande de récusation, était la conséquence d’une absence proprement dite, pour maladie, congé ou empêchement, ou si elle était la conséquence d’un déport volontaire ou provoqué). Maintenant que les déports sont présentés comme tels (l’information est publiée dans le commentaire proposé par le Conseil après qu’il ait rendu sa décision), ne donnent lieu à aucune espèce d’explication, y compris lorsqu’il y a eu une demande de récusation.
Le sentiment général laissé par cette pratique est celui d’une réticence à l’idée que les conseillers auraient à rendre des comptes aux justiciables. Peut-être symboliquement parce que, contrairement aux autres juridictions françaises, le Conseil constitutionnel ne rend pas ses décisions au nom du peuple français, ce qui le mettrait dans une posture différente. Mais on ressent un profond malaise à le voir capitaliser sur l’idée qu’il rend la « justice » constitutionnelle[38], qu’il est une « balise » lorsque les droits et libertés constitutionnellement garantis sont en péril[39], ou qu’il ne faut pas confondre « droit » et « politique »[40]. De l’observation de la pratique et des règles et absences de règles du Conseil constitutionnel, vient plutôt l’idée que les conseillers traitent leur mission comme une chose politique qui leur appartiendrait et sur laquelle justiciables et membres du corps politique et social n’auraient ni droit de regard ni droit d’inventaire, et encore moins droit de critique. C’est en tout cas ainsi qu’on peut interpréter les choses, lorsque l’on prend connaissance de la lettre que Laurent Fabius, alors président du Conseil constitutionnel, a envoyé au bâtonnier du barreau de Paris, lui demandant de vérifier auprès du Conseil de l’ordre que les avocats qui organisaient et participaient à un colloque très critique sur le Conseil constitutionnel en mars 2024, restaient bien dans les devoirs qui étaient les leurs[41]. Au passage, la lettre éreinte l’autrice de la présente étude, pour avoir publié et défendu son ouvrage critique sur le Conseil constitutionnel[42]. Sortant de sa réserve à propos de l’exercice légitime du droit de critique, le président du Conseil constitutionnel manifestait ainsi une forme d’incapacité à envisager sa fonction dans le cadre des principes présidant à l’administration de la justice dans une société démocratique.
D’autres situations peuvent être citées qui, cumulées, disent de la légèreté avec laquelle les membres du Conseil traitent leurs fonctions. C’est le cas lorsque, impliqué dans une affaire judiciaire, l’ancien président Roland Dumas attendra un an avant de se mettre en congé de l’institution, et finalement encore une année pour démissionner[43]. Dans un autre registre, on se souvient que Simone Veil, se mit « en congé » du Conseil pour aller mener une campagne politique à propos du référendum sur la ratification du Traité Établissant une Constitution pour l’Europe, d’avril à juin 2005[44], avant de retrouver son siège ensuite, où elle serait amenée à connaître des suites de ce Traité. La porosité d’esprit entre l’activité politique et l’activité de justice constitutionnelle est ainsi patente. D’ailleurs, une autre de ses membres présenta sa démission pour devenir ministre[45], quand d’autres le devinrent peu après l’expiration de leur mandat[46] ou se firent élire sénateur[47]. Mais on vit aussi récemment une membre du Conseil constitutionnel aller témoigner en faveur du ministre de la justice en exercice (dont les projets de loi adoptés au Parlement pouvaient être examinés par le Conseil constitutionnel) devant la Cour de Justice de la République où il était en procès[48], manifestant encore une fois la proximité très grande de la justice constitutionnelle avec le personnel politique.
Dans le registre financier également, droit et pratique se cumulent pour rabaisser le niveau d’exigence et de probité attendu du Conseil et de ses membres. On apprend ainsi que les conseillers doivent la moitié environ de leur rémunération à une décision gouvernementale, en contrariété avec le principe d’autonomie du Conseil dont les règles fondamentales statutaires relèvent de la Constitution et de la loi organique. Au fait de cette entorse, les membres du Conseil et son président n’ont pas manifesté d’indignation et ont même finalement obtenu une nouvelle décision de l’exécutif leur assurant toujours une part substantielle de leur rémunération[49]. Dans la même veine, la carrière précédente des conseillers souvent nommés à l’âge de la retraite, les fait cumuler plusieurs indemnités auxquelles s’ajoute celle du Conseil constitutionnel, les mettant dans des situations très privilégiées et qui devraient obliger à plus de considération pour le travail demandé au sein de la supposée juridiction[50].
Beaucoup d’exemples pris ici illustrent l’étroitesse des relations entre le pouvoir exécutif et le Conseil constitutionnel[51]. Autrement dit, le statut juridique des conseillers, celui qui garantirait leur indépendance, masque une autre réalité, celle de leur très grande proximité avec les pouvoirs dont ils pour mission d’assurer le contrôle de conformité à la Constitution. Cela vient en partie de ce que l’indépendance des juges est à la fois mal pensée et impensée, qui fait confondre leur statut avec la réalité de leur indépendance.
V. Le statut des juges : façade de la situation de connivence politique
Au député qui mettait en cause la qualité de son indépendance vis-à-vis d’un gouvernement qu’elle allait quitter pour en devenir le contrôleur l’instant d’après, et alors qu’elle était auditionnée à cette fin, Jacqueline Gourault, alors ministre et candidate pressentie du président de la République pour siéger au Conseil constitutionnel, balayait l’interpellation d’un revers de main, s’en offusquant même, en se réfugiant derrière le statut qui serait le sien à la seconde où elle intègrerait le collège des conseillers[52]. Il est vrai que le statut de membre du Conseil constitutionnel paraît à même de leur procurer l’indépendance nécessaire et suffisante vis-à-vis des pouvoir exécutif et législatif comme vis-à-vis de toute autre influence extérieure : l’absence juridique d’autorité extérieure en capacité de leur donner des instructions, la non renouvelabilité du mandat pour éviter qu’ils soient « accrochés » à la volonté de leur autorité de nomination, ou encore l’autonomie budgétaire de l’institution et de ses membres. Sur ce dernier point, on a vu néanmoins que la rémunération des conseillers dépendait pour moitié d’une décision de l’exécutif ; si l’on y ajoute, compte tenu du niveau de difficulté de la mission de justice constitutionnelle, la faiblesse de l’enveloppe budgétaire allouée à l’institution dans la loi de finances annuelle[53], on peut commencer à considérer que les bases de son indépendance comment à vaciller. Mais, en tout état de cause, ces bases, même solides, ne suffisent pas. Car il ne sert à rien de préserver l’indépendance du contrôleur vis-à-vis du contrôlé s’il ne l’est pas déjà antérieurement, et c’est là que le problème se pose.
En 1959, les premières nominations des neuf membres du Conseil constitutionnel (auxquels s’ajoutent alors les deux anciens présidents de la République encore vivants, René Coty et Vincent Auriol) ont été commentées en ce sens par le juriste Charles Eisenmann, promoteur du modèle de justice constitutionnelle en France : parlant de ce nouveau Conseil, il estime qu’« il aurait dû semble-t-il être formé du maximum possible d’hommes indiscutablement qualifiés par la nature de leurs fonctions antérieures, par des habitudes contractées avec elles de comportement intellectuel et moral. ». Or, ajoutait-il, « [Q]ue tous les conseillers désignés satisfassent à ce genre d’exigences, je ne crois pas qu’il soit possible à un esprit indépendant de l’admettre. », pour dire encore que, « [A] considérer l’occupation de la majorité des fauteuils du Conseil constitutionnel, on penserait qu’il faut déjà faire son deuil de cette confiance optimiste et naïve, et que l’esprit de faveur, d’amitié, de complaisance est plus difficile à tuer que les malformations constitutionnelles à redresser…, dans une certaine mesure. »[54]
De ces quelques pensées posées sur le papier en réaction à une chronique du journal sur ces premières nominations, qui avait mis l’accent sur le caractère de palindrome du nom de son premier président, Léon Noël, Charles Eisenmann voulait éclairer ce qui se jouait vraiment dans cet événement. L’indépendance « par le statut » était certes indispensable, mais elle ne pouvait être envisagée que comme le complément nécessaire d’un état ou d’une manière d’être qui serait déjà la qualité des personnes nommées. Il fallait donc pouvoir établir l’indépendance au moment de la prise de fonction par leur titulaire, et non après, comme le suggérait Jacqueline Gourault en 2022. L’indépendance ne s’improvise pas, elle se pratique, et n’est donc pas une qualité qui émerge instantanément du chapeau du statut. Elle est une qualité qui se préserve par un statut adapté, ce qui n’est pas la même chose. Comme je le posais dans La Constitution maltraitée, « [P]enser et agir de manière indépendante suppose l’expérience de cette pensée, et nécessite donc à la fois des conditions et du temps pour l’acquérir. Chacun peut l’éprouver, qui se détache plus ou moins facilement d’un système de pensée auquel une formation, un milieu, une fonction, l’a accoutumé. »[55] Or, agir en politique, c’est dans la mesure du possible être rétif aux limites posées dans le cadre de cette action, celles du droit notamment, et singulièrement celles de la Constitution dont ils estiment pouvoir déterminer eux-mêmes quelles elles sont. Une justice indépendante serait un problème pour le politique, dans la mesure où son principe consiste à prendre les règles pour ce qu’elles doivent être, à savoir des limites posées à l’action.
Depuis 1959, et plus encore depuis le début du XXIè siècle, les conseillers ont un parcours politique tel qu’il est bien difficile de les envisager comme de véritables juges de l’activité politique à laquelle leur sensibilité s’est formée, la plupart du temps pendant de très longues années, souvent plusieurs décennies, l’âge moyen des conseillers nommés étant assez tardif. Ce n’est pas là le moindre des paradoxes que d’instituer une « justice » constitutionnelle quand ceux qu’elle concerne s’en considèrent les maîtres : non seulement dans la désignation des juges et dans l’organisation de leurs missions, mais aussi dans l’interprétation qu’il convient de faire des normes constitutionnelles et de leur agencement[56].
Il est étonnant que le corps doctrinal n’ait pas véritablement exploité cette question de l’indépendance pour se concentrer plus volontiers sur la compétence ou l’incompétence juridique des conseillers : certes il peut s’agir là aussi d’un facteur d’indépendance, mais liée à une proximité grande avec le politique, l’effet de l’exigence de compétence et/ou d’expérience peut ne constituer qu’une façade. Les exemples de la magistrate Véronique Malbec (ancienne directrice de cabinet du ministre de la justice et épouse du directeur de la police nationale en exercice) ou de la professeure de droit Nicole Belloubet (ancienne rectrice et devenue ministre de la justice à sa sortie du Conseil constitutionnel) manifestent la difficulté du personnel politique à nommer des personnes compétentes sans liens avec lui. A ne mettre l’accent que sur les compétences, on risque de passer à côté du problème véritable, à être, de fait, inconséquent.
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[1] Pour une remise en question des bienfaits du constitutionnalisme, voir Lauréline Fontaine, La constitution au XXIè siècle. Histoire d’un fétiche social, Amsterdam, 2025, et Eugénie Mérieau, Géopolitique de l’état d’exception, Le Cavalier bleu, 2024.
[2] Définition du Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales (https://www.cnrtl.fr/).
[3] Les développements qui suivent reprennent la démonstration opérée dans Lauréline Fontaine, La Constitution maltraitée. Anatomie du Conseil constitutionnel, Amsterdam, 2023. À noter que l’ouvrage comprend également des éléments d’analyse des décisions rendues par le Conseil (voir notamment les chapitres 4 et 7).
[4] Sur cette question, voir par exemple Renaud Dorandeu, « Les Pélerins constitutionnels. Eléments pour une sociologie des influences juridiques », in Yves Mény (dir.), Les politiques du mimétisme institutionnel. La greffe et le rejet, L’Harmattan,1993, p.83.
[5] Guy Canivet, La question de constitutionnalité ou Le « ravissement » du constitutionnaliste, discours du 11 septembre 2009 prononcé à l’occasion de la Séance de Rentrée de la Faculté de droit de Montpellier (en ligne : https://www.conseil-constitutionnel.fr/les-membres/la-question-de-constitutionnalite-ou-le-ravissement-du-constitutionnaliste). Voir aussi Dominique Schnapper, selon laquelle les universitaires « sont les seuls à n’entretenir aucune réserve à l’égard de l’institution », Une sociologue au Conseil constitutionnel, Gallimard, 2010, p. 191.
[6] Voir La Constitution maltraitée…, op. cit., p.211.
[7] La démission ou le décès d’un membre ne rompt pas ce cycle triennal de nominations car il est procédé à la désignation d’un nouveau membre pour la durée du mandat restant à courir.
[8] La Constitution maltraitée…, op. cit., p. 66
[9] Néanmoins, ils n’ont pas été présents au Conseil entre 1962, date de la mort de René Coty et à partir laquelle Vincent Auriol ne siégera plus, et 2004, date de l’arrivée surprise de Valéry Giscard d’Estaing, suivi par Jacques Chirac entre 2077 et 2011 et par Nicolas Sarkozy en 2011 et 2012.
[10] Récemment, on peut citer Corinne Luquiens qui a été secrétaire générale de l’Assemblée nationale, François Séners qui a été directeur du cabinet du Président du Sénat Gérard Larcher, et Véronique Malbec, directrice du cabinet du ministre de la justice Eric Dupont-Moretti.
[11] On peut citer le cas difficile à croire de Jacques Mézard, porteur de la fameuse loi « ELAN », dont on peut toujours trouver aujourd’hui, sur le site viepublique.fr, le texte de la déclaration qu’il fit le 3 octobre 2018 à l’Assemblée nationale dans le but d’obtenir le vote final de la loi, qui se clôt par les mots suivants : « Désormais la loi ELAN va pouvoir devenir une réalité et je le crois améliorer le quotidien des Français, de tous les Français sur l’ensemble du territoire de la République. » Le 1er avril 2022, siégeant comme tout nouveau membre du Conseil constitutionnel, il participa ainsi au délibéré concernant une disposition de cette loi, jugée dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité. La disposition en question fut déclarée conforme (décision n° 2022-986 QPC du 1er avril 2022). D’une manière générale, nommer au Conseil constitutionnel des membres du gouvernement en exercice place ces derniers dans une position intenable vis-à-vis des textes d’initiative gouvernementale qui deviennent des lois.
[12] Dans la même affaire que celle citée concernant Jacques Mézard (voir note précédente), il y a aussi le cas de Jacqueline Gourault, qui lui a succédé comme ministre du gouvernement, et qui prit la circulaire d’application de loi Elan, en défendant notamment le dispositif qui allait plus tard faire l’objet de la question prioritaire de constitutionnalité. Elle aussi, nommée en février 2022 au Conseil constitutionnel, participa au délibéré. La décision n° 2022-986 QPC du 1er avril 2022 a été déférée devant le Comité d’Aarhus, un comité des Nations Unies chargé de suivre l’application de la Convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, par trois associations de défense de l’environnement (La Sphinx, Greenpeace France et France Nature environnement. L’un des arguments de droit est le défaut d’impartialité de la juridiction dans cette affaire, au regard de la participation de Jacques Mézard et Jacqueline Gourault au délibéré. L’affaire est encore pendante. Voir aussi notre Amicus Curiae dans cette affaire (rédigé Lauréline Fontaine, Thomas Perroud et Dominique Rousseau, et publié aussi sur le site Questions constitutionnelles. Revue de droit constitutionnel (https://questions-constitutionnelles.fr/limpartialite-des-membres-du-conseil-constitutionnel-en-question/).
[13] Par exemple, Hubert Haenel et Jean-Louis Debré ont participé à un délibéré concernant un texte de loi visant à interdire l’indemnisation d’un supposé préjudice résultant de la naissance d’un enfant handicapé (décision n° 2010-2 QPC), alors qu’ils avaient tous deux été auteur ou signataire de textes relatifs à cette question.
[14] On peut par exemple parler de Simone Veil, membre du Conseil constitutionnel qui se mit en « congé » du 28 avril au 22 juin 2005 pour se consacrer à une campagne politique en faveur de la ratification du Traité établissant une Constitution pour l’Europe. La décision de mise en congé de Simone Veil prise par le président du Conseil constitutionnel fut attaquée devant le Conseil d’Etat, qui décida logiquement que l’institution était « seul juge du respect par ses membres des obligations qui s’imposent à eux » (arrêt Hoffer du 6 mai 2005).
[15] À ce titre, il y a par exemple la sordide affaire Ducray, du nom de l’ancien secrétaire d’Etat condamné pour harcèlement sexuel : alors que sa condamnation n’était pas définitive, il posa une question prioritaire de constitutionnalité qui fut jugée par le Conseil constitutionnel (décision n° 2012-240 DC du 4 mai 2012). Les circonstances de cette décision jettent le trouble sur ce qui fut décidé, à savoir l’abrogation immédiate de la loi, sans effet différé, privant ainsi la condamnation de Gérard Ducray de toute base légale. En effet, non seulement l’intéressé connaissait plusieurs membres du Conseil constitutionnel (membres nommés ou de droit), mais certains participèrent au délibéré. Voir à ce sujet notre tribune, avec Pierre Mury, Thomas Perroud et Carole Yturbide, « Cherche éthique désespérément au Conseil constitutionnel », Mediapart, 6 juillet 2020. Plus récemment, on peut citer le cas de la question prioritaire de constitutionnalité posée par l’ancien Premier Ministre François Fillon, rejoint par l’ancien président de la république (et ayant siégé au Conseil constitutionnel) Nicolas Sarkozy (décision n°2023-1062 QPC du 23 septembre 2023). Les requérants étaient tous connus des membres du Conseil constitutionnel, à des degrés divers, amis ou ennemis. Cette situation met en lumière, en plus du problème véritable que constitue sa composition politique, le fait que celle-ci s’accommode mal du faible nombre de conseillers et de l’obligation qu’ils ont d’être au moins sept membres présents sur neuf pour juger, sauf cas de force majeure. Dans l’affaire « Fillon-Sarkozy », le Conseil a jugé à six membres seulement… ou la force majeure n’en est plus une…
[16] C’est le cas de Laurent Fabius présidant la délibération sur la loi instaurant le « passe vaccinal », incarnation de la stratégie de gestion de la pandémie faisant l’objet d’un contrat important avec le cabinet de Conseil McKinsey, dont le fils de Laurent Fabius était l’un des associés (décision n°2021-824 DC DU 5 août 2021).
[17] Véronique Malbec a ainsi participé à la délibération le projet de loi sur l’immigration de Gérald Darmanin voté en décembre 2023, un texte assez sensible pour lequel son mari, directeur de la police nationale, était donc en première ligne (décision n°2023-863 du 25 janvier 2024). Elle avait aussi participé au délibéré sur le texte relatif aux Jeux olympiques et paralympiques dont l’enjeu sécuritaire était également très sensible (décision n°2023-850 du 17 mai 2023).
[18] Mais voir notre Amicus Curiae précité.
[19] Si l’on s’en remet aux travaux de la Commission de Venise par exemple, ou à ceux de la Cour européenne des droits de l’homme sur les conditions du procès équitable, l’instance et les juges doivent se trouver dans une situation d’indépendance et d’impartialité, à tout moment de la procédure jusqu’au jugement concernant la cause et les parties à la cause.
[20] Clarence et Virginia (dite Ginni) Thomas ont fait couler beaucoup plus d’encre (dans différents pays du monde d’ailleurs et pas seulement aux Etats-Unis), que les situations dont je parle ici. Voir par exemple The New Yorker, « Legal Scholars Are Shocked By Ginni Thomas’s “Stop the Steal” Texts », 5 mars 2022.
[21] Le Conseil constitutionnel a créé une revue sur la justice constitutionnelle en 1996, aujourd’hui nommée Titre VII et dirigée par le secrétaire général du Conseil, et à laquelle de nombreux universitaires collaborent. Il existe aussi des programmes de financement de la recherche universitaire pilotés par le Conseil, et des manifestations scientifiques sont régulièrement organisées au sein du Conseil, celui-ci n’étant alors pas simplement un « loueur de murs ».
[22] Voir mon étude comparée sur la désignation des juges constitutionnels, « Les enjeux éthiques et démocratiques de la désignation des gardiens de la Constitution », Tribonien, 2022, n° 7, p. 8 à 75.
[23] Voir en ce sens le livre écrit par Jean-Louis Debré à l’issue de son mandat de président du Conseil constitutionnel, où il exprime à plusieurs reprises une forme de dédain pour les professeurs de droit (Ce que je ne pouvais pas dire, Robert Lafont, 2016).
[24] Le cas le plus caricatural est celui d’Alain Juppé lors de son audition devant la Commission des lois de l’Assemblée nationale le 21 février 2019, qui, après avoir invoqué son droit à l’oubli à propos de sa condamnation pénale (1 an d’inéligibilité), fait de même quelques instants plus tard avec ses connaissances de droit constitutionnel. Pour la petite histoire, le député Olivier Marleix se livra alors à un éloge en règle à son égard, le même Olivier Marleix désigné vice-président de l’Institut Georges Pompidou en février 2025, sur la proposition d’Alain Juppé, lui-même devenu alors président de cette institution, alors qu’il est toujours en fonction au Conseil constitutionnel. On peut aussi se référer à l’audition de Richard Ferrand devant la commission des lois de l’Assemblée le 19 février 2025, Richard Ferrand a également et sensiblement ironisé à ce sujet en formulant la phrase suivante : « il ne vous aura pas échappé que je ne suis pas juriste », une formule qui ne fut même pas relevée par les médias, même au titre du compte-rendu.
[25] Voir la décision du n°2012-41 QPC du 4 mai 2012 à propos des tribunaux de commerce : le Conseil valide le principe de la justice des pairs, mais en constatant, pour déclarer les dispositions conformes, qu’elles « réservent les fonctions les plus importantes de ces tribunaux aux juges disposant d’une expérience juridictionnelle ».
[26] A ce sujet par exemple Noëlle Lenoir, « Le métier de juge constitutionnel. Entretien », Le débat, 2001, vol. 2, p.183. On note que Laurent Fabius lors de son discours prononcé à l’Académie des Sciences morales et politiques le 2 décembre 2024, n’a pas approfondi cette idée comme une piste nécessaire de réforme pour l’avenir (disponible en ligne : https://academiesciencesmoralesetpolitiques.fr/2024/12/02/communication-de-laurent-fabius-le-conseil-constitutionnel-en-2024/). D’une manière générale, les témoignages des conseillers à l’issue de l’exercice de leur mandat sont très positifs à l’égard de leur expérience et de l’institution. Voir par exemple Jean-Claude Colliard, « Neuf ans de bonheur », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 25, 2009.
[27] Je précise néanmoins que les cours constitutionnelles et suprêmes ont exercé leurs missions de telle sorte qu’elles n’ont représenté qu’un moindre danger pour l’activité politique et une grande sécurité en revanche pour les activités économiques. Voir par exemple La constitution au XIXè siècle…, op. cit..
[28] Une fragmentation caractérisée à la suite des élections législatives du mois de juillet 2022, après les élections présidentielles du mois de mai, et renforcée à l’issue de celles de juin et juillet 2024, après que le Président de la République ait prononcé la dissolution de l’Assemblée Nationale.
[29] Le groupe des élus du mouvement La France Insoumise est ainsi à l’origine du déclenchement d’une procédure de destitution du chef de l’État, par une résolution du 4 septembre 2024, sans succès.
[30] Ainsi de celle de Jacqueline Gourault en février 2022, dont la candidature fut rejetée par la Commission des lois de l’Assemblée nationale (mais dont les voix favorables, cumulées à celles des sénateurs, étaient suffisantes pour permettre sa nomination), et de Richard Ferrand en février 2025, pour lesquels les questions et les oppositions furent plus franches qu’à l’accoutumé.
[31] Il est vrai que la situation de Laurent Fabius, nommé par François Hollande en 2016, diffère un peu en ce qu’ils n’étaient pas des « amis ». Mais leur compagnonnage au Parti socialiste et la carrière politique de Laurent Fabius (Premier ministre, député, Président de l’Assemblée Nationale et ministre), a rendu crédible et fiable et sa fidélité à l’égard du pouvoir politique qu’il s’agit de contrôler dans le cadre des missions confiées au Conseil constitutionnel.
[32] Comme lorsque la présidence est assurée par roulement, à la Cour constitutionnelle italienne par exemple.
[33] La réussite de cette conception est visible dans l’espace médiatique, où ce sont essentiellement des considérations politiciennes qui font l’objet de l’attention lorsqu’on parle du Conseil constitutionnel.
[34] Décision Orga du 4 février 2010, Règlement intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité.
[35] Voir d’abord l’arrêt Piersack C/ Belgique, 1er oct. 1982, requête n° 8692/79.
[36] La décision Orga du 11 mars 2022 portant règlement intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les déclarations de conformité à la Constitution, qui ne reprend pas la disposition du règlement de 2010 sur la participation à l’élaboration de la loi, ne contient aucun nouvel élément à ce sujet.
[37] Je me permets ici encore de renvoyer à mon ouvrage, La Constitution maltraitée, op. cit.. La pratique postérieure à l’ouvrage peut également s’observer qui, au printemps 2025 où ces lignes sont écrites, n’a pas encore infléchi le sens des observations faites dans l’ouvrage.
[38] « Le cœur de notre mission est de rendre la justice constitutionnelle. », discours précité de Laurent Fabius à l’Académie des Sciences Morales et Politiques.
[39] Valéry De Senneville et Dominique Seux, « Le Conseil constitutionnel doit être une balise dans une société française anxiogène » (interview de Laurent Fabius), Les Échos, 27 mai 2016, www.lesechos.fr.
[40] Rapport d’activité 2024 (https://www.conseil-constitutionnel.fr/rapport-activite-2024-numerique/)
[41] Lettre révélée par Mediapart, « Le coup de sang de Laurent Fabius contre des avocats parisiens », par Jérôme Hourdeaux, 31 mai 2024.
[42] La Constitution maltraitée, op. cit..
[43] Mis en examen le 29 avril 1998, Roland Dumas, sous la pression des autres conseillers, se mit en congé le 24 mars 1999 et démissionna un an plus tard.
[44] Voir par exemple, Patrick Roger, « Le Conseil constitutionnel valide la mise en congé de Simone Veil », Le Monde, 28 avril 2005.
[45] Il s’agit de Nicole Belloubet en juin 2017. Voir par exemple Marc de Boni, « Nicole Belloubet, du Conseil constitutionnel au ministère de la Justice », Le Figaro, 21 juin 2017.
[46] Noëlle Lenoir a terminé son mandat au Conseil constitutionnel le 11 mars 2001 et est devenue ministre des affaires européennes le 17 juin 2002.
[47] Robert Badinter a quitté ses fonctions de président du Conseil constitutionnel le 4 mars 1995, et a pris ses fonctions de sénateur le 24 septembre de la même année.
[48] Voir AFP, « Au procès Dupond-Moretti, l’ex-directrice de cabinet au secours du ministre », 9 novembre 2023.
[49] Sur toutes ces questions, voir principalement la contribution d’Elina Lemaire, « Régime indemnitaire des membres du Conseil constitutionnel : où en est-on ? », in Elina Lemaire et Thomas Perroud, Le Conseil constitutionnel à l’épreuve de la déontologie et de la transparence, LGDJ/IFJD, 2022, p. 217.
[50] Voir l’article de Pierre Januel pour Mediapart, dans la catégorie « Transparence et probité » : « Fabius à 50 ans, Juppé à 57 ans : des membres du Conseil constitutionnel ont touché une retraite précoce », 2 mai 2023. Sur les légèretés déontologiques des membres du Conseil, voir le chapitre 5 de mon ouvrage.
[51] Une étroitesse également confirmée par le rôle joué par le pouvoir exécutif dans les procédures suivies par le Conseil pour l’examen de constitutionnalité des lois, sur lesquelles l’accent est rarement mis par la doctrine tant elle semble les considérer comme relevant de la normalité. Toutefois, on peut mettre l’accent sur le rôle du Conseil constitutionnel à l’égard du pouvoir exécutif, ce qui peut aussi en dire long : voir par exemple Samy Benzina, « Le Conseil constitutionnel, conseiller de l’exécutif », Revue du droit public et de la science politique en France et à l’étranger, 2023, vol 2.
[52] Audition devant la Commission des lois de l’Assemblée nationale, 23 février 2022.
[53] La dotation budgétaire pour 2024 du Conseil constitutionnel s’élevait à 17,93 millions d’euros, contre 13,30 millions d’euros en 2023.
[54] Charles Eisenmann, « Palindromes ou stupeur ? », lettre envoyée au journal Le Monde et publiée le 5 mars 1959.
[55] La Constitution maltraitée, op. cit., p. 76.
[56] Et de fait la jurisprudence du Conseil constitutionnel tend à confirmer cette faculté des pouvoirs contrôlés de déterminer le sens des normes et principes à valeur constitutionnelle : je l’ai montré à propos de la notion d’« intérêt général », dont le contenu est laissé à l’appréciation du législateur (voir La Constitution maltraitée, op. cit., pp. 123 et s.), et j’ai pu le dire par exemple à propos de la réforme sur les retraites, ou l’argumentation du gouvernement se trouve reprise par le Conseil constitutionnel (« Le Conseil constitutionnel et la réforme des retraites : un précédent aux lourdes conséquences sur la démocratie parlementaire, note pour la Fondation Jean Jaurès », 19 avril 2023, en ligne : https://www.jean-jaures.org/publication/le-conseil-constitutionnel-et-la-reforme-des-retraites-un-precedent-aux-lourdes-consequences-sur-la-democratie-parlementaire/).



