C’est un peu comme les impressions de lecture… je les mets au fil de l’eau… des balbutiements et des confirmations…
A voix Haute
volume 1. Sur l’écriture
Animal Chaleureux
Voici un dyptique de Jean-Thibaut Fouletier réalisé en 2012, une huile sur bois, 59 x 66, que vous pouvez retrouver sur le site de l’artiste : www.tybolt.fr
« Animal chaleureux sur fond de bleus et de verts »

Et le petit « commentaire » de cette oeuvre que j’ai réalisé en vidéo :
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Difficile à croire ?
« Les administrateurs des CID (common-interest developments) exercent un pouvoir substantiel sur la vie privée des résidents et affectent ainsi les droits des propriétaires sur l’exclusivité du contrôle de leur patrimoine. Entre autres, explique McKenzie, ‘la plupart des CID donnent aux administrateurs le droit de pénétrer dans votre domicile quand bon leur semble sous prétexte de préserver les intérêts de la communauté des copropriétaires’ (Privatopia: Homeowner Associations and the Rise of Residential Private Government, Yale University Press, New Heaven, CT, 1996, p. 12). L’administration des CID peut imposer aux résidents des restrictions à l’usage de leur espace domiciliaire, à leur comportement privé et même à celui de leurs hôtes.
Les restrictions réglementaires imposées à l’usage du domicile privé sont nommées ‘servitudes’. Certains de ces règlements sont si exhaustifs et si envahissants qu’ils en viennent à faire mentir la formule selon laquelle chacun est maître chez soi. A Rancho Bernardo, un CID de 33 000 habitants au nord de San Diego, la liste de ces servitudes est interminable et confine souvent à l’absurde. Dans son ouvrage America II (Penguin, New York, 1982, p. 93), Richard Louv en décrit quelque uns :
Même les potagers sont très mal vus (…). Clôtures, haies et murets ne peuvent pas dépasser un mètre de hauteur. Toute inscription est interdite, à l’exception des écriteaux « A VENDRE ». Les arbres doivent être soigneusement taillés et ne pas dépasser la hauteur des toits, lesquels doivent être couverts de tuiles rouges. Les résidents n’ont pas le droit de garer des véhicules de loisir ou des bateaux dans leur allée privée, ils disposent pour ce faire d’une aire de stationnement collective. Dans un village réservé aux retraités, les petits-enfants des résidents n’ont pas le droit d’accéder au centre de loisirs et, en général, les visites à domicile des enfants sont strictement limités.
Rancho Bernardo n’est pas le seul CID à appliquer des règles aussi draconiennes. On trouve des règlements de ce type dans tous le pays. McKenzie cite un certain nombre d’exemples. A Ashland, dans le Massachusetts, un vétéran de la guerre du Vietnam s’est vu interdire de déployer la bannière étoilée le jour de la fête nationale du drapeau. A Monroe, dans le New jersey, un homme a été poursuivi en justice par l’administration du CID parce que sa femme, âgée de quarante-cinq ans à l’époque des faits, avait trois ans de moins que le minimum exigé par les statuts de l’association des résidents. Les tribunaux ont donné raison aux plaignants et ont ordonné à la personne en question de choisir entre vendre ou louer sa propriété et cesser de cohabiter avec son épouse. A fort Lauderdale, en Floride, l’administrateur d’une copropriété a ordonné à un couple de cesser d’utiliser leur porte de derrière pour entrer et sortir de leur domicile, car leur va-et-vient laissait des traces sur la pelouse. A Boca Raton, toujours en Floride, une association a traîné un résident devant les tribunaux parce que son chien dépassait le poids limité autorisé de 13,6 kilos. (…)
La plupart des résidents des CID se déclarent prêts à renoncer à une partie de leurs droits de propriété pour pouvoir accéder à un réseau d’individus qui partagent les mêmes valeurs, la même sensibilité et le même style de vie »
Ce texte est extrait de Jeremy Rifkin, L’âge de l’accès. La nouvelle culture du capitalisme (The Age of Access. The New Culture of Hypercapitalism Where All Life is a Paid-for Experience, 2000), La découverte, 2005, p. 157-159.
Pendant ce temps,
Allo Place Beauvau recense toutes les images des blessures de civils liées aux manifestations des gilets jaunes en France depuis 2018.
En dépit de ces images de guerre, les forces politiques et les forces de l’ordre semblent n’avoir pas grand chose à en craindre.
Peut-être parce que ceux qui ne figurent pas sur ces images et qui pourraient en demander des comptes, partagent donc « les mêmes valeurs, la même sensibilité et le même style de vie » … ?
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Lecture : Marguerite Duras, La Maladie de la Mort
L’été 2019 il y eut beaucoup d’écriture et de re-lecture. Alors une lecture originale, comme ça, dans un jardin, c’est plutôt salutaire. Bonne écoute !
Merci à Jean-Thibaut Fouletier pour la mise à disposition et pour la captation du son et de l’image, à Cyril Kravtchenko pour le montage, et aux lecteurs, Emilie Dubois et Christian Le Corvic, pour leur simplicité.
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L’explosion de sens à Amsterdam
C’est un peu tard maintenant pour vous inviter à aller voir l’exposition « Van Gogh et le Japon » au Musée Van Gogh d’Amsterdam puisqu’elle se termine le 24 juin 2018[1].J’y suis allée à la fin du mois de mai et j’y ai vécu parmi mes meilleures sensations artistiques : des dessins et des huiles de Van Gogh selon un parcours initiatique décrit avec peu de mots et des mots justes, des gravures et estampes de maîtres en la matière, Hokusaï et Hiroshige, ainsi qu’une part de la collection personnelle de Van Gogh qu’il avait emporté avec lui lorsqu’il était enfermé à l’Asile d’Arles.
Un moment vraiment extraordinaire. Une sélection ici, juste pour dire…
Hokusaï, Le mont Fuji avec des cerisiers en fleur, 1800-1805, gravure sur bois en couleur, Surimono, 20,1 x 55,4 cm, Rijskmuseum, Amsterdam
Van Gogh, Pluie, Auvers, 1890, Huile sur toile, 50, 3x 100,2cm, National Museum of Wales, Cardiff
Hiroshige, Averse vespérale soudaine sur le grand point près d’Atake, 1857, gravure sur bois en couleur, 37,5 x 24, 8, Collection Alan Medaugh, New york
Van Gogh, Le ravin (les Peiroulets), 1889, Huile sur Toile, 73,2 x 93,3cm, Kröller-Müller Museum, Otterlo
[1] Ce 24 juin 2018 est aussi le jour des élections législatives en Turquie où le Professeur Ibrahim Kaboglu est candidat alors que le Procureur a requis 17 mois de prison ferme contre lui qui conteste son éviction de la fonction publique et la privation de son passeport pour avoir été simplement pétitionnaire : voy. mon article établissant un premier petit bilan de la croyance dans l’idée d’un droit détaché de ses hommes : http://www.ledroitdelafontaine.fr/le-constitutionnalisme-turc-a-labandon/
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Choisissez votre camp !
A regarder les clichés des bâtiments du campus Condorcet Paris-Aubervilliers, on peut avoir le sentiment de faire entrer l’université dans la plus grande modernité. Vous pouvez aller voir.
Mais vous pouvez aussi voir sur place :

Des douves et des barbelés autour de la parole universitaire…
Mais à l’extérieur quand même, et au même moment :

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Re-Présenter
Le terme de « Représenter », si on croit le Larousse, suppose des degrés divers dans la distanciation entre un phénomène et celui qui a pour objet de le dire, de le raconter, de le figurer, de nouveau. Il n’est en tous les cas jamais possible que ce qui est présenté et ce qui le représente soient une seule et même chose.
Ce n’est pas d’abord de théorie politique dont j’entends parler ici, même si les circonstances électives ambiantes pourraient y inviter. Il s’agit brièvement d’introduire ici à la question de ce qui ne peut jamais se dire, et qu’on tente, interminablement, de dire, ou qu’on feint d’avoir réussi à dire. Il y a toujours une part manquante, et l’important est de le savoir, ou non.
Cette réflexion résulte de quelques expériences picturales récentes.
J’ai déjà évoqué sur ce site l’exposition Pierre Bonnard au Musée d’Orsay, Peindre l’arcadie. Ce qui se produisit à la sortie de l’exposition ne mérite peut-être pas en soi un grand intérêt mais ce sont souvent les petites choses qui donnent le ton des « grandes ». Parcourant les différents volumes présents sur les étalages de la librairie du Musée à la sortie de l’exposition, mon compagnon et moi nous fîmes rapidement cette réflexion qu’aucun de ces volumes, décidément, ne parvenait ne serait-ce même qu’à évoquer les couleurs des tableaux que nous venions de voir. Cela était proprement frappant. Un vendeur qui se trouvait là nous dit que nous n’étions pas du tout les seuls à faire cette réflexion. S’agissant de Bonnard la chose est sérieuse car l’utilisation des couleurs est un signe de son génie. Il lui est d’ailleurs attribué, et c’est l’exposition même qui nous l’apprend, que l’important pour lui était non pas de peindre la vie mais de donner vie à ses tableaux… il semble bien en effet que la vie ne se représente pas, pas plus la vie « réelle » que la vie picturale de Bonnard. Ce phénomène qui fait que, sur le moment, « on ne s’y retrouve pas » – encore faut-il, point fondamental – avoir vu l’exposition – s’est produit encore très récemment avec l’exposition Chtchoukine, du nom de ce collectionneur russe, avant-garde de son époque, qui collectionnait en des moments particuliers que vivaient son pays, Gauguin, Picasso, Monet ou Matisse. De ce dernier il en avait acquis 37 toiles. Une immense salle du musée en exposait une vingtaine récemment à Paris, provoquant une sensation tout à fait vertigineuse. Parmi elles, une nature morte sur Camaieu bleu, qu’il ne m’avait pas été jusqu’alors donné de voir. Même expérience que pour Bonnard, je n’ai jamais pu retrouver le grain et les couleurs dans les reproductions qui en ont été faites sur papier.
Que savons-nous des choses à les lire, les écouter et les voir re-présentées par d’autres ? C’est là il me semble une question un peu vertigineuse aussi. Pour rester les pieds sur terre, je vous offre quelques évolutions de couleur en diaporama pour adoucir un peu le moment… Il s’agit d’une huile que j’ai réalisée à partir d’une toile célèbre de Monet, Impression Soleil Levant, dont une recherche rapide vous fera vite comprendre que la palette de ses « reproductions » est particulièrement étendue, puisque proposent d’une même toile des représentations finalement fort différentes. Pour ma part, j’ai choisi mes couleurs et mes impressions… à les représenter ici, je n’en donne pas de quoi l’apercevoir vraiment. Il suffit de le savoir.
Un clic sur la toile vous permettra d’ouvrir un diaporama. En principe, il y a aussi du son.
L.F. Mars 2017
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In Memoriam
Le Professeur Grzegorczyk est mort au mois de décembre dernier. Il a été mon professeur dès ma première année à l’Université et il a été membre de mon jury de thèse. En fait, il a été présent tout au long de ma formation universitaire, et c’est même à lui que je dois d’avoir donné mon premier cours magistral. Beaucoup de choses personnelles donc pourraient être dites puisque, le travail universitaire étant souvent une manière d’aborder le monde, il est rare qu’on ne noue pas des liens personnels avec ceux qui partagent cette démarche. L’homme était comme beaucoup d’entre nous : multiple, étonnant, résolument contradictoire. Il emportait presque toujours avec lui ses différentes personnalités. S’il semblait surtout aimer « plaire », et « apparaître » comme un « grand intellectuel » aux jeunes étudiants que nous étions, il avait en réalité un goût authentique pour la réflexion et l’élaboration intellectuelle de haut niveau. Je ne sais s’il pouvait s’agir d’un aboutissement ou d’une frustration mais, vers la fin de sa carrière, Christophe Grzegorczyk était parvenu à fédérer des étudiants apprentis-chercheurs qu’il réunissait périodiquement chez lui pour des fins de journées et soirées de « recherche », sans finalité particulière autre que le plaisir d’élaborer ensemble des théories sur le droit. A force de discussions, un thème avait été cerné (les « concepts pratiques »), et nous savions certainement que jamais nous ne parviendrions à « en tirer » quoi que ce soit, mais cela n’avait aucune importance. D’ailleurs, sa culture et son expérience remettaient souvent « les pendules à l’heure » lorsque nous nous enflammions – et lui parfois le premier – à l’idée d’une vraie trouvaille intellectuelle. Mais, encore une fois, cela n’avait aucune importance. Il me semble que cette période est aujourd’hui très éloignée de moi, et je ne sais exactement si elle l’était pour lui aussi. Ce qui me touche, c’est que, j’ai beau penser que la professeure que je suis aujourd’hui a peu en commun avec l’étudiante et l’apprentie-chercheure que je fus, Christophe Grzegorczyk semblait déjà savoir un peu de ce mystère. Ami, portes-toi bien.
L.F.
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Une curieuse fatalité pèse sur l’enseignement du droit
« Une curieuse fatalité pèse sur l’enseignement du droit. Pris entre la théologie dont, à cette époque, son esprit le rapprochait, et le journalisme vers quoi la récente réforme est en train de le faire basculer, on dirait qu’il lui est impossible de se situer sur un plan à la fois solide et objectif : il perd une des vertus quand il essaye de conquérir ou de retenir l’autre. Objet d’étude pour le savant, le juriste me fait penser à un animal qui prétendrait montrer la lanterne magique au zoologiste« .
Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques, Paris, Plon, 1955, pp.57-58.
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L’arbre et la Montagne
Voici deux versions couleurs de L’arbre et la Montagne : comme je l’ai évoqué dans un précédent billet, la re-production/re-présentation des toiles ne parvient jamais à donner une véritable idée de l’original. Je vous laisse donc choisir entre ces deux versions d’une même toile à partir de photos prises à quelques secondes d’écart mais selon un angle différent…
L’Arbre et la Montagne (2017)
Huile sur toile , 81 x 65
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Pierre ou Roger ?
L’an dernier il y a eu une exposition « Pierre Bonnard » au Musée d’Orsay intitulée Peindre l’Arcadie. Un véritable enchantement, une explosion d’art « brut » selon moi, pour un expressionnisme bon ton. Bref, j’y suis allée 2 fois avec mon compagnon. Mais c’est au moment où je choisis de vous faire partager la toile qui, entre toutes, procure chez moi une ivresse incomparable, que l’homonymie avec le juriste spécialiste de droit administratif m’apparaît. Après vérification, Pierre et Roger « oeuvrent » à la même époque exactement : le premier, Pierre, est né en 1867 et mort en 1947, tandis que le second, Roger, est né en 1878 et mort en 1944. Le premier a fait des études de droit jusqu’à l’avocature, le second jusqu’au professorat. Le premier est devenu peintre et le second pétainiste. Pourtant, c’est le second qui est célébré par les juristes. Pour preuve l’immense difficulté à obtenir la « débaptisation » d’un amphithéâtre de la faculté de droit de Bordeaux décidée finalement en 2014 sous la pression, non pas des juristes eux-mêmes, mais de la société civile incarnée par un média local à portée nationale.
Alors, en demandant « Pierre ou Roger ? », il ne s’agit pas de se rappeler de cet étonnant comédien formant duo avec Jean-Marc Thibaut, mais bien de constater à nouveau que les juristes ont toujours des difficultés à s’engager. Pour moi c’est justement sans difficulté, c’est Pierre… vous pouvez comprendre j’imagine…
Nu jaune – 1934 – Centre Georges Pompidou
L.F. Oct. 2016
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Le droit est, pour partie, muet et échoue à tout dire »
Pascal Richard, Le jeu de la différence. « Réflexions sur l’épistémologie du droit comparé », Les presses de l’Université de Laval, Coll. Dikè, 2007, p. 25.
L’auteur ajoute en note : « Comme la vérité prise dans les rets du langage : on sait qu’il n’est possible que de la mi-dire. En droit comparé, cependant, cette vérité se montre, elle se manifeste au sein de montages dogmatiques qui conditionnent notre raison juridique. Au total, pour reprendre une formule célèbre, le droit n’existe que trop et la justice n’existe pas ».