Aujourd’hui Professeure à la Sorbonne Nouvelle, j’ai commencé à enseigner dans les facultés de droit en France en 1994, en passant par les université de Cergy-Pontoise, Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Orléans et Caen. Autrice de plusieurs ouvrages mettant l’étude du droit dans l’espace public, mon parcours se distingue par une mise en question progressive de mon objet de connaissance privilégié, le droit, à travers notamment une observation des représentations que s’en font les membres du corps social, en distinguant parmi eux différentes catégories donnant lieu à des représentations spécifiques. Ces représentations se combinent et peuvent être « confrontées » à ce que le droit donne à voir et à une certaine compréhension de ses mécanismes et de son activation par le corps social. A ces conditions peut se déployer un discours véritablement « critique », c’est-à-dire qui ne s’en tient pas à ce qui est dit mais qui cherche au-delà et en-deça de ce qui est dit, pour que, comme le disait l’anthropologie Malinowski, se dévoile ce qui « anime » les gens, à travers le droit ou non.
J’ai reçu une formation très « classique » en droit mais, d’abord par goût intellectuel, ensuite par une véritable détermination sensible, ai toujours interrogé mon objet et les attentions – ou les inattentions – dont il fait l’objet. Mon attrait d’origine pour la philosophie du droit, et le passage par d’autres formations que juridiques (en science politique et en philosophie principalement), une histoire « de côté » aussi, qui m’ont fait et me font évoluer et agir dans des domaines artistiques (danse, musique et arts visuels), autant sans doute qu’une marque vitale, font pour beaucoup dans ma manière de regarder le droit, sur lequel je porte un certain regard.
J’enseigne le droit, et surtout, un certain regard sur le droit, à des étudiants qui, le plus souvent, ne se revendiquent pas juristes : ne pas céder à la facilité et à la vulgarisation implique alors de s’efforcer de saisir encore, et mieux, la réalité du droit.
Ma réflexion privilégiée s’est jusqu’ici opérée dans le domaine du droit constitutionnel comparé, que je vois comme le lieu – mais l’un des lieux seulement – des illusions et désillusions contemporaines à propos du droit. J’ai ainsi mené une interrogation profonde sur la réalité de la conscience et du volontarisme juridique : sait-on vraiment aujourd’hui ce qu’on fait par et avec des normes ? Et aussi, l’origine comme la portée, de ces dites normes, sont-elle réellement appréciées pour ce qu’elles sont, dans des sociétés marquées par une dilution des critères modernes de ce qui fait politiquement société ? Mon expérience comme membre du panel d’expert sur la liberté de croyance et de religion auprès de l’O.S.C.E. (Organisation pour la Coopération et la Sécurité en Europe) la me confirme que c’est la manière dont on investit le droit qui peut susciter le plus d’interrogations sur la portée du droit. Qu’il s’agisse d’une simple commission universitaire, d’un centre de recherche, d’un séminaire interministériel ou de la réunion du panel d’experts internationaux dans le cadre de l’O.S.C.E., la mission d’application des règles – et éventuellement de développement d’un corps de règles secondaires – se fait presque toujours selon les mêmes sensibilités, qui en disent long sur l’articulation du droit et du social.
Marquée aussi par mes premiers travaux de doctorat, je travaille encore aujourd’hui sur le pouvoir de faire le droit, à partir d’une réflexion sur les fondements politiques du pouvoir de faire le droit, que ce pouvoir soit reconnu ou non, représenté ou non.
A la toute fin de l’année 2015, j’ai ouvert ce site internet, Le Droit de la Fontaine, c’est-à-dire une voie, autant qu’une voix, pour l’évolution de la réflexion sur le droit. Je le souhaite de ne pas être fermé à ses propres évolutions, et ne saurais dire maintenant quel il sera plus tard.
Lauréline FONTAINE, décembre 2016 (révision, sept. 2025)
