par
Lauréline Fontaine
« c’est tentant : sucer le lait de la vérité mais c’est toxique : ça endort, et c’est tout ce qu’on attend de vous. […] vos propos, si vous les voulez subversifs, prenez bien garde qu’ils ne s’engluent pas trop sur le chemin de la vérité. […] que de la vérité on ait tout à apprendre, ce lieu commun voue quiconque à s’y perdre. Chacun en sache un bout, ça suffira, et il fera bien de s’y tenir. Encore le mieux sera-t-il qu’il n’en fasse rien. Il n’y a rien de plus traitre comme instrument […] A vrai dire, ce n’est que d’où un savoir est faux que le savoir se préoccupe de vérité. Tout savoir qui n’est pas faux s’en balance. »[1]
Le délégué général du Conseil National des Centres Commerciaux vient de le rappeler opportunément en déclarant à l’Agence France Presse, « l’incertitude est l’ennemi de la confiance et de la consommation »[2]. Pas étonnant que dans une société de droit construite depuis la sortie du Moyen-Âge autour de la protection du commerce et des échanges, la vérité ait progressivement acquis le statut d’une nécessité sociale : elle exclut par elle-même l’incertitude et produit la confiance nécessaire au maintien et au développement des échanges. Par le vrai, on entend provoquer l’adhésion puisqu’il devient presqu’impossible de remettre en cause ce qui est ainsi affirmé. L’espace pour l’incertitude se trouve réduit à son maximum.
On comprend que les conditions de production et de diction de la vérité sont dès lors une question essentielle dans une société qui s’affiche comme centrée autour de l’accord de tous, ou au moins du plus grand nombre : c’est le sens d’une démocratie fondée sur l’élection plutôt que sur le sort[3]. S’il n’est pas question ici de définir le « vrai » ou la « vérité », ce à quoi s’essaient les philosophes depuis toujours, il importe de comprendre ce que son invocation produit ou est destinée à produire, et quels sont les enjeux de la diction et de la production – et des conditions de production – d’un discours « vrai »[4]. Historiquement, on est ainsi passé d’une structure politique qui exigeait souvent des sujets qu’ils disent, d’une manière (l’aveu) ou d’une autre (la torture) la vérité, à un système institutionnel – comprise la société civile – qui entend s’appuyer sur une vérité objective dont il entend d’ailleurs maîtriser la production, comme l’illustre l’édiction de règles sur les fausses nouvelles ou la définition institutionnelle de l’intégrité scientifique.
Il n’est pas certain que le souci perpétuel de vérité que l’on tend à constater aujourd’hui partout dans l’espace social – qu’illustrent par exemple les opérations multiples de « fact-checking » consistant à dévoiler le caractère vrai ou faux des affirmations et discours de personnalités publiques – et qui en ferait un élément essentiel de la démocratie, participe effectivement du bien-être social. A l’analyse, la vérité apparaît plus sûrement comme un moyen que comme une fin. Comme moyen, c’est-à-dire finalement comme outil, elle apparaît construite et non donnée (I), constitutive d’une manière concurrentielle de voir le monde (II) et entraînant sciemment des conséquences juridiques et sociétales de nature répressive (III).
I. Le moyen de la vérité : éléments d’une construction sociale
Dans le film documentaire de Franck Cuvelier et Pascal Vasselin en 2020, intitulé La fabrique de l’ignorance, un professeur de médecine avoue qu’en étant un peu « doué », il est possible d’établir un « bon protocole scientifique » à propos de n’importe quoi et en fait pour tout résultat souhaité : il s’agit de pouvoir donner à n’importe quel type de résultats d’expérience le statut de « scientifiques », graal de la connaissance d’aujourd’hui puisque dès lors acceptés comme « vrais » par la communauté scientifique. La science est en effet affaire de communauté, qui se revendique de la vérité tout en produisant elle-même ses conditions, et qui les aménage ou les ignore aussi en fonction de sa propre histoire. Dans le même film documentaire, est relatée cette histoire de deux chercheurs ayant mis en lumière que la nocivité du bisphénol A est inversement proportionnelle à sa présence dans un organisme : ils n’ont pourtant pas vraiment pu être entendus de la communauté scientifique (soutenue en ce sens par les industries recourant au produit indique le documentaire), parce que celle-ci s’est construite autour du principe exactement contraire, à savoir que plus le taux de présence d’une substance est grand, plus sa nocivité se déploie. L’information produite par les deux chercheurs, « vraie » peut-être, s’opposait alors à une autre vérité, contraire à celle avec laquelle avaient grandi l’ensemble des chercheurs de la-dite communauté scientifique.
Ces difficultés des sciences pourtant fondées sur la possibilité infinie de l’expérimentation, repérables au premier coup d’œil sans avoir besoin d’une formation d’épistémologue, ne sont pas en reste s’agissant des sciences humaines et sociales et peuvent fonder une réflexion autour des enjeux de la vérité dans le monde contemporain : en se demandant ce qu’est une vérité « scientifique » concernant les actions, réactions et sentiments des êtres humains, on peut approcher les raisons pour lesquelles ils trouvent aujourd’hui intérêt à s’organiser autour d’elle.
Je dis peut-être la vérité si je rapporte qu’à ce croisement de routes, je constate à 11h05 la présence simultanée de deux voitures rouges, d’une voiture blanche et d’une voiture grise. Je dis peut-être aussi la vérité si j’indique que lorsque deux voitures rouges, une voiture blanche et une voiture grise se retrouvent à un croisement de routes à un même moment, il se produit un accident. Si cela arrive une fois, je dis la vérité, mais si ça n’arrive pas 9 autres fois, peut-on dire que j’ai produit une vérité quand même ? Dans ce type d’observation, les chercheurs « aménagent » l’énoncé, en précisant que lorsque deux voitures rouges, une voiture blanche et une voiture grise se retrouvent à un croisement de routes à un même moment, il se produit un accident une fois sur dix. Pour chaque domaine d’observation, et à mesure des observations, la communauté des chercheurs pose progressivement les critères d’un énoncé scientifique, sous-entendu d’un énoncé « vrai ». Avec beaucoup d’aménagements, les sciences humaines et sociales parviennent ainsi à produire les conditions de l’énonciation scientifique sur laquelle le label de vérité peut être apposé. Ainsi on ne peut pas dire que 34% des français pensent ceci ou cela, mais on peut dire que 34% des personnes interrogées dans telles et telles conditions ont répondu ceci ou cela à la question qui leur était posée. L’énoncé alors est « vrai ».
II. Le terreau concurrentiel du registre de la vérité
Dans le cas d’une enquête d’opinion « sérieuse », la vérité est déterminée à partir des critères d’une communauté qui, à proprement parler, n’est pas la communauté toute entière, qui d’ailleurs souvent ne la comprend pas toute et peut même préférer lire ou penser que 34% des français pensent effectivement ceci ou cela. Car ce que l’on constate aujourd’hui c’est que, contrairement au principe de la vérité scientifique attaché à une communauté en particulier, le registre de la vérité dans l’espace social ne fait – de fait – pas l’objet d’un monopole : le registre de la vérité est même une pratique très libérale, voire néo-libérale pour utiliser un paradigme d’analyse devenu aujourd’hui courant. Il fait l’objet d’une forme de concurrence permanente, en fonction des moyens dont disposent les uns et les autres pour se l’approprier ou la révéler. La vérité apparaît comme un trophée que ses concurrents se disputent, une bannière sous laquelle se ranger et qui occasionne des pratiques et des procédures diverses. Les institutions contre les organisations privées, les réseaux sociaux contre les deux premiers, etc. L’époque est à une remise en cause continuelle de ce qui est présenté comme la vérité et au questionnement sur les moyens d’y parvenir. Les canulars scientifiques et les hypothèses de falsifications des données se multiplient, dans un esprit qui consiste soit à discuter de la valeur de la science elle-même, soit à profiter de son nom pour prospérer. On apprend au printemps 2020 que des youtubeurs français sont « incités à dénigrer le vaccin de Pfizer-BioNTech »[5] contre de l’argent, illustrant les batailles qui se jouent au travers des différents vecteurs de communication. Cela fait que ce qui pourrait parfois sembler accepté de tous comme « la » vérité se discute en réalité à grande échelle sur les réseaux sociaux : la vaccination ou l’Etat de droit c’est pareil. En septembre 2021, le credo de la rentrée médiatique de deux chaînes d’information un peu « à la peine » derrière celles accusées de privilégier le sensationnel, voire la désinformation, était précisément de se doter d’une armée de journalistes « vérificateurs », « observateurs » et « révélateurs » chargés de labelliser l’information donnée pour en garantir la fiabilité[6].
Si les incroyables véhicules d’information contemporain font apparaître cette problématique, elle n’est ni inédite ni étonnante. On ne doit pas oublier que, depuis l’époque moderne, le doute est consubstantiel à la vérité, l’un et l’autre s’alimentant. Depuis le XVIIè siècle avec Descartes notamment, et jusqu’à Gaston Bachelard, l’ère du doute et du scepticisme a en effet été synonyme de la bonne voie de la recherche de la vérité. Pour trouver le vrai, il faut douter. De ce fait, pétrie de doutes sur la vérité, du fait des possibilités toujours plus grandes de la rechercher – ce que symbolise la sécularisation, c’est-à-dire la fin des dogmes religieux comme ciment de la communauté – une société, mue notamment par les principaux acteurs du commerce, semble la réclamer encore plus et demander à ce qu’elle soit institutionnalisée, pour éviter de douter, pour instaurer de la certitude et de la confiance, sentiments fondamentaux d’une société de commerce[7]. Ce n’est plus à Dieu que l’on s’en réfère mais à la vérité institutionnalisée – c’est-à-dire à ce qu’on pense le moins contestable par le plus grand nombre – pour guider l’action.
En ce sens, la vérité, c’est-à-dire une manière de voir le monde qui se présente comme la moins discutable, apparaît comme une fonction démocratique grandissante : une décision articulée autour du « vrai », ou au moins ce qui est prétendu ou considéré comme vrai, tend à apparaître plus pertinente qu’une décision issue de la délibération et de l’élection. De ce fait, les élections paraissent moins essentielles ; les idées aussi, puisque la vérité n’a pas d’idées. Parlant de Wittgenstein, Jacques Lacan a mis cela en lumière : « à en faire la règle et le fondement du savoir, il n’y a plus rien à dire, rien en tout cas qui la concerne comme telle, pour éviter ce roc, ce roc où assurément, l’auteur a ceci de proche de la position de l’analyste, qu’il s’élimine complètement de son discours »[8].
Ce qu’il y a derrière la vérité est effectivement qu’il n’y a pas de sujet parlant puisque, en dehors de sa vérité, la seule qu’il puisse avancer auprès des autres est la vérité dont il n’est nullement un acteur. La vérité se présente comme le critère d’arbitrage et de jugement de la parole des personnes et, à ce titre, elle favorise l’anonymat de ceux qui jugent en son nom. Dans le cadre d’une hyper-valorisation scientifique et sociale de l’objectivité, c’est du pain béni pour les institutions qui peuvent y trouver le fondement légitime de leur action, en se lovant dans les habits de la vérité qui n’a pas de personnalité propre. Pas de risque de majorité fragile donc, mais le roc de l’objectivité/vérité indiscutable par presque tous. Le gouvernement de l’urgence en est pour l’heure l’archétype, où toute décision articulée autour du principe de réalité, à savoir l‘exposé de faits indiscutables, y trouve son fondement le plus sûr et laisse les représentants « décideurs », censés être législateurs, sans marge de choix possible. Pour les institutions politiques, il ne s’agit donc plus seulement de dire le droit, ni de « choisir », parfois difficilement, les modalités du pacte social, il s’agit de dire ou de prétendre dire la vérité pour s’inscrire dans un processus de légitimité. Le registre grandissant de la vérité dans l’action politique et juridique a donc bien pour effet de transformer la démocratie : c’est moins ce qui est voulu par le plus grand nombre qui est démocratique que ce qui est apparemment le moins discutable par le plus grand nombre. La vérité a beau être constamment discutée – c’est une condition pour maintenir un système institutionnel qui de fait favorise les vecteurs commerciaux de la discussion – elle reste statutairement indiscutable. C’est ainsi que la campagne de l’été 2021 du ministère des solidarités et de la santé scandait que, « On peut débattre de tout, sauf des chiffres », validant ainsi les décisions prises par une opération quasi logique.
Qu’il s’agisse ici d’un tour de passe-passe épistémologique importe peu[9]: le recours à ce registre a sa raison, à savoir l’action publique. Constater l’accident probable du fait de la rencontre de plusieurs véhicules dans un endroit donné et en fonction de leur couleur n’a rien de neutre. L’invocation du constat a pour but la décision : qui songerait en effet à contester une décision prise sur le fondement de la vérité ? S’agissant de l’hypothèse de l’accident de circulation, l’énoncé vrai impliquera soit d’interdire l’une des couleurs impliquées, soit d’interdire la circulation simultanée des véhicules de ces trois couleurs, soit d’interdire les croisements de route, soit tout ça à la fois, ce qui n’est pas sans rappeler nombre de politiques dans l’histoire et dans le monde, et souvent les moins glorieuses.
Le registre de la vérité a donc des conséquences. La vérité n’est pas un fait, elle est un ressort : il y a aujourd’hui un usage du registre de la vérité plutôt qu’un attachement à la vérité elle-même. En 2020 par exemple, la finalisation d’un fichier de données sur les près de 32 millions d’habitants de l’Etat indien d’Assam ayant mobilisé 2500 fonctionnaires pendant cinq ans, était destiné notamment à valider ou invalider la nationalité des habitants : son responsable invoque que sa seule mission est de « dire la vérité sur la nationalité des résidents »[10]. Argument simple mais percutant dans la société contemporaine. La conséquence rapide a été d’exclure 2 millions de résidents de la nationalité, avec la validation de la Cour Suprême.
Peu importent les motivations profondes des décisions qui sont prises et surtout peu importent leurs conséquences, seule l’apparence du soutien de la vérité semble être opérante. Le problème – car c’en est un – est que, toujours construite, la vérité dans l’univers politique et social est très souvent associée au registre pénal ou à la dénonciation, ce qui n’est pas du tout anodin.
III. L’univers pénal et censeur de la pensée publique fondée sur la vérité
Dans sa version initiale de 1803, le code civil ne contenait pas la notion de vérité, en se référant seulement à des faits « vraisemblables ». La notion apparaît en 1972 seulement, dans l’article 10 disposant que « chacun est tenu d’apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité ». Cette dernière expression est reprise du code d’instruction criminelle de 1808 qui fonde en partie le pouvoir des procureurs, instructeurs et juges, et reprise ensuite dans le code pénal de 1810. A cette époque la vérité apparaît comme un horizon du droit (également illustré par le serment prêté de dire « toute la vérité, rien que la vérité »), mais elle ne constitue pas en tant que telle une catégorie juridique sous l’empire de laquelle les jugements sont rendus. La place de la « vérité » dans le droit français a ainsi très sensiblement évolué sur la fin du XXè siècle. La « découverte » ou la « manifestation de la vérité » ont pris une place plus grande dans les textes organisant la procédure civile et pénale, et elle est devenue en 1992 le critère explicite des infractions de « faux » que l’article 441-1 du code pénal définit comme « toute altération frauduleuse de la vérité » entraînant un préjudice. Il n’est pas anecdotique de constater que si le premier code pénal de 1810 plaçait le faux dans le chapitre « crimes et délits contre la paix publique », le nouveau code pénal de 1994, délimite plus spécifiquement le faux et les différentes hypothèses de falsifications sous la catégorie « des atteintes à la confiance publique » (je souligne). Garante des échanges, économiques, politiques et civils, la vérité a ainsi vocation à fonder des limites et des interdictions au nom de la confiance nécessaire et elle est revendiquée par tous.
Ainsi par exemple avec ce qu’on a appelé « l’explosion mémorielle », c’est-à-dire l’émergence massive des discours officiels à propos de la mémoire de certains faits, mémoire devenue injonction à se souvenir, et ayant drainé des interdictions de paroles. Les lois limitant l’expression libre des opinions, les commissions « vérité-réconciliation » qui ont prospéré dans le monde entier, l’institution internationale d’un « droit à la vérité » pour les victimes de violation de leurs droits fondamentaux, ont été autant de vecteurs de normes juridiques, souvent pénales.
Lorsqu’on met en avant la problématique des fausses informations, c’est encore pour les pénaliser en période électorale, indépendamment d’ailleurs du fait que leurs supposées conséquences ne sont même pas avérées[11], et indépendamment du fait aussi qu’il y a continuellement des fausses informations dont on ne semble guère se soucier. Par exemple, on n’a pas des préoccupations du même ordre à propos des fausses informations véhiculées chaque semaine auprès de centaines de milliers de lecteurs par des hebdomadaires « à sensation » qui en font leur miel. Comment établir que cela ne fausse pas le choix de ces électeurs potentiels, ça, ça ne se dit pas. Ce qui compte est que lorsque la vérité est sociétalement invoquée, c’est pour fonder presque naturellement une norme de limitation et d’interdiction, qu’elle soit juridique ou simplement sociale, ce qui parfois est la même chose.
Acmé de la juridicisation du principe de vérité, la constitutionnalisation par la Russie en 2020 de la « vérité historique », que l’Etat doit protéger de tous les possibles dénigrements. L’association d’un régime plutôt autoritaire à la vérité pourrait faire réfléchir : l’invocation partout de la vérité dans un environnement mondial très concurrentiel a des conséquences assez claires. L’actualité récente est pleine de ces « mises en lumière » en forme de dénonciation, des « fact-checkers » à la « cancel culture » en passant par les « leaks », qui, le plus souvent au nom de la vérité et de la transparence, intiment un autre comportement à ceux qui en font l’objet ou les ostracisent en les montrant. Paradoxe apparent puisque la valeur-vérité ne se nourrit que de la fausseté qui l’environne. La question demeure entière de savoir ce que, dans une démocratie, on souhaite vraiment, « au nom de la vérité ».
Lauréline
Fontaine, septembre 2021
[1] Jacques Lacan, L’envers de la psychanalyse, séminaire 1969-1970, disponible en fichier .pdf sur le site de Patrick Valas, http://www.valas.fr/Jacques-Lacan-L-envers-de-la-psychanalyse-1969-1970,283.
[2] Voy. Simon Auffret, « Le passe sanitaire suspendu dans plusieurs centres commerciaux », Le Monde daté du 2 septembre 2021.
[3] Le choix presque « naturel » de l’élection à partir du XVIIIè siècle peut être vu comme le résultat de la diffusion multiséculaire dans toutes les sphères décisionnelles (églises, communautés villageoises, communautés professionnelles notamment), d’un principe issu de l’interprétation extensive d’une règle juridique romaine : Quod omnes tangit ab omnibus tractari debet, autrement dit ce qui concerne tous doit être approuvé par tous.
[4] C’est en ce sens que l’on peut interpréter le travail de Michel Foucault, pas en tant lui-même qu’archéologue-dévoileur, mais en tant qu’il identifie socialement des régimes de véridiction (voy . notamment La Naissance de la biopolitique. Cours au collège de France (1978-79), Seuil, 2004).
[5] Voy. Florian Reynaud (avec Lise Barnéoud), Le Monde daté du 25 mai 2020.
[6] Voy. Aude Dassonville, « La labellisation de l’information au cœur des ambitions de Franceinfo et de LCI », Le Monde daté du 3 septembre.
[7] Voy. à ce sujet une conférence et un texte sur Droit et société au prisme de l’explication néolibérale : éléments contemporains, à paraître sur le site www.ledroitdelafontaine.fr, janvier 2022.
[8] Jacques Lacan, L’envers de la psychanalyse…, op. cit.
[9] On rappelle à toutes fins utiles que les chiffres sont une invention humaine et ne sont « vrais » qu’en tant qu’ils sont une invention, que toute proposition construite à partir de chiffres (à l’instar des pourcentages) ne dit rien à propos d’aucun fait qui se produit dans le monde (aucune personne ou aucun fait n’est un pourcentage, même si les hommes entendent se les représenter de cette manière). Autrement dit, ce qui n’est pas discutable c’est que les hommes entendent lire le monde avec une technique de leur invention, tandis que les propositions faisant l’objet de cette technique sont discutables au regard des conditions de cette technique et, surtout, au regard de ce qu’elles prétendent dire sur le monde.
[10] Voy. Julien Bouissou, « Inde : le singulier « registre des citoyens » de l’Assam », Le Monde daté du 20 avril 2019.
[11] Le pourcentage de fausses informations diffusées pendant la campagne Trump/Clinton a été estimé à 0,06 %, soit un pourcentage extrêmement faible, sans qu’il soit établi qu’il ait effectivement contribué à fausser le choix des électeurs qui de fait, n’était pas vraiment faussé. Il est possible que les acteurs de la communauté internationale, au moins une partie d’entre eux, aient préféré attribuer la victoire à ces fausses informations plutôt qu’à une réalité sociologique américaine actuelle. Après tout, en 1574, la cour de Dôle dans le Jura a bien préféré attribuer à un homme en état de « loup-garou » le fait de dévorer des enfants plutôt que d’associer le crime à la condition humaine. Comme l’indique Louis Assier-Andrieu dans Le droit dans les sociétés humaines (Armand Colin, 1996), il s’agissait là d’« attester l’inhumanité d’un acte incontestablement commis par un humain ». Chaque époque ses représentations de l’humanité.