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Le droit de la Fontaine

Un site de réflexion sur la pensée juridique et politique contemporaine

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Archives des Newsletters

par Lauréline Fontaine 1 octobre 2023

En faisant le chemin à l’envers, je me suis aperçue que les lettres s’étaient rapidement densifiées, en devenant le prétexte à un texte justement, alors qu’elles n’étaient qu’informatives au départ. Je me suis aussi aperçues qu’il y a avait eu parfois des promesses non tenues, mais toujours les prémisses de nouvelles choses. Bonne lecture à vous.

Mars 2025

Lecture pour tous

  Bonjour à tous,

Il m’a été récemment dit que ces petites lettres que je vous envoie de temps en temps seraient de moins en moins « accessibles » ou « lisibles ». Je m’interroge donc. L’interrogation n’est pas synonyme de soumission, elle permet parfois de conforter des choix, parfois de les ajuster.

Mon travail passe par l’ambition d’offrir une parole claire et néanmoins juste et précise, et entend notamment placer une parole sur le droit dans le vaste espace du public qu’il concerne, c’est-à-dire tout le monde. Pari semble-t-il en partie réussi lorsqu’il m’est témoigné que la lecture de mes deux derniers ouvrages n’a pas seulement été « simple », mais a aussi relevé d’un certain plaisir. Récemment, Thaïs, une libraire a même émis cette idée que j’étais aussi un « écrivain »… ce qui pourrait me donner des idées. Pari réussi aussi lorsque mes propos dans une émission de radio ou de télévision parviennent à faire s’imaginer aux auditeurs-visionneurs qu’ils pourraient peut-être quand même comprendre quelque chose à ce qui relève de la matière juridique. Ce serait la moindre des choses d’ailleurs.

Mais il est vrai que le statut de mes petites lettres reste à définir, notamment dans le ou les publics à qui je m’adresse, tout autant d’ailleurs que dans les contenus auxquels ils renvoient. Car il y a vraiment « de tout » sur Le droit de la Fontaine : des renvois aux émissions ou tribunes lorsque j’en écrit, des textes rédigés dans un contexte universitaire (à la suite d’un colloque par exemple), et parfois des textes sans origine, sinon l’envie de les composer. Je suis ainsi tombée récemment sur un texte écrit en 2017, à la suite d’une inclinaison à réagir à un propos repéré dans un grand quotidien d’information, inclinaison partagée avec mon compagnon psychanalyste, qui nous incita à rédiger chacun un texte sur ce propos, sans nous concerter sur son contenu (Le café du commerce et le marc de Bruno, mon texte, Fonction métonymique, son texte). A lecture, je fus assez étonnée de ce texte, car visiblement écrit sans aucune considération pour le lecteur « tout venant » qui, comme le dirait Orelsan, n’aurait pas les bases. C’est autant dans l’articulation des idées que dans le vocabulaire et les référents intellectuels que peut se situer la barrière d’accès au contenu d’un texte. Au moment où ce texte s’écrivait et dans les conditions dans lesquelles il s’écrivait, il est probable que pour dire ce que je voulais dire, il n’y avait pas d’autre solution d’écriture. Je ne peux pas dire que je ne réécrirai pas ce texte de la même manière, mais je peux dire que je pourrais en écrire un autre, qui aurait peu ou prou vocation à dire la même chose, c’est-à-dire que, non, les chiffres ne parlent pas d’eux-mêmes, et que c’est à la fois de la supercherie et de la paresse que de prétendre le contraire au soutien de sa décision.

Vous qui me lisez aujourd’hui, y avez-vous peut-être trouvé quelque chose que vous n’y aviez pas trouvé dans un écrit précédent, ou quelque chose de semblable, ou quelque chose que vous ne retrouverez pas dans un prochain envoi : c’est selon chacun, et c’est très bien comme ça.

*

Des nouvelles un peu denses pour ce nouvel envoi, en imaginant que vous pourrez venir et revenir plus tard, car l’espace du site vous est toujours ouvert.

* Un petit évènement personnel d’abord, je me suis inscrite sur LinkedIn il y a 3 semaines! Vous pouvez donc m’y retrouver, vous abonner et avoir des nouvelles plus « fraîches » que l’envoi de mes newsletters selon un rythme aléatoire, même si je n’y posterai pas tout tout le temps évidemment.

* Les étudiant.e.s sont formidables ! Ainsi ai-je nommé le post par lequel j’annonçais la mise en ligne de deux des travaux reçus à l’automne par des étudiants inscrits à l’un de mes enseignements. Je vous conseille vivement d’en prendre connaissance, c’est tout simplement formidable.

* Encore le Conseil constitutionnel… oui parce que son état végétatif s’inscrit désormais dans la durée :

– vous vous souvenez peut-être que Laurent Fabius avait eu des mots de menace à peine voilée envers les avocats ayant décidé d’organiser et/ou de participer à un colloque en mars 2024 sur le thème « Le Conseil constitutionnel : la nécessité d’une refonte complète ? », dont il est vrai que les thèmes de travail étaient tout droit sortis de La Constitution maltraitée. Anatomie du Conseil constitutionnel (Amsterdam, 2023), ouvrage qui, de ce point de vue, n’avait peut-être pas sans raison reçu un prix éthique de la part de l’Association Anticor en janvier 2024, et dont Mediapart avait fait état en juin 2024 (Le coup de sang de Laurent Fabius, en accès libre). 

Je rappelle ces faits car, en dehors du fait qu’il me semble nécessaire de saisir la portée de la lettre de Laurent Fabius (ce que bien peu d’universitaires juristes ont fait à mon avis, les mêmes qui s’indignent aujourd’hui avec la foule des atteintes portées à l’Etat de droit et à la liberté d’expression), les images du colloque où tous les intervenants ont été de très bonne tenue, sont disponibles sur Youtube.

– Les récentes nominations au Conseil m’ont incité à revenir un peu sur quelques plateaux, pour constater qu’on n’a pas vraiment avancé depuis la dernière fois :

* Mon billet sur Mediapart, ou Les nominations au Conseil constitutionnel, ou comment neutraliser le texte constitutionnel, le 1er février 2025

* La question du jour, France culture, invitée de Marguerite Catton, oui les nominations envisagées, et singulièrement celle du président du Conseil, sont un réel problème politique,10 février 2025

* Questions du soir, France culture, invitée de Quentin Lafay, La conception de l’indépendance des membres du Conseil constitutionnel est contraire à l’éthique du droit et de la justice, 18 février 2025.

* Sens public, Public Sénat, invitée de Thomas Hugues, émission dans laquelle essayer de penser le Conseil autrement que comme un simple rouage de la vie politique relève de la gageure,19 février 2025

Mais comme il y a d’autre chose dans la vie que le Conseil constitutionnel, je vous propose aussi :

* Penser Droit et décroissance. Il y a eu un petit texte collectif rédigé à l’initiative principale de David Hiez, Professeur à l’Université du Luxembourg, intitulé « Droit et décroissance : l’exploration des possibles juridiques », qui était paru dans le Recueil Dalloz à la fin de l’année 2023 (n° 44, pp.2250 – 2257), et dans lequel j’avais un tout petit peu trempé. Depuis, il y a eu un événement organisé à l’Université de Montréal, en Octobre 2024 (une journée de colloque avec plénières et ateliers, une journée de restitution, et une demi-journée de prospection). J’y avais introduit les travaux, en compagnie du sociologue Yves-Marie Abraham et du philosophe du droit Arthur Moury. Voici le texte légèrement modifié de ma communication : Droit et décroissance : où est-ce que ça coince ?

* une toute petite plongée dans « le droit n’est pas aussi formidable » qu’on voudrait qu’il soit :

            – ainsi le rappelait Rainer Maria Kiesow (à qui l’on doit notamment un travail, plutôt à charge scientifique, sur la pensée des juristes allemands dans la période précédant immédiatement l’arrivée au pouvoir des nazis) à propos de l’ouvrage de Jacques Krynen, Le théâtre juridique. Une histoire de la construction du droit (Gallimard, 2018), dont le fantasme d’un droit bienfaiteur perdu peut laisser pantois au regard des horreurs commises en son nom. Un juste rappel du Professeur Kiesow.

            – L’ouvrage de Grégoire Chamayou, Les Chasses à l’homme (La Fabrique, 2010), est un petit trésor d’histoire et de réflexion autour de cette manie proprement humaine – et de toute évidence atemporelle – d’exclure, de chasser, d’éliminer son semblable, en lui déniant précisément cette qualité.

            – L’ouvrage récent d’Eugénie Mérieau, Géopolitique de l’état d’exception. Les mondialisations de l’état d’urgence(Le Cavalier bleu, 2024), qui pointe la constance des modernes à justifier l’exception par la règle, pour, finalement, aliéner, exclure, chasser, éliminer… c’est toujours la même histoire.​

* Une petite plongée dans l’expérimental, le « dur », l’inconnu, l’incertain, l’assumé, l’inutile, le totalement subjectif, le rigolo parfois, l’absurde peut-être,… bref, tout ce qui pourrait ne pas répondre aux critères du sérieux et du « scientifique », mais qui fait pourtant le lit de nos travaux, à la condition de le savoir : Au pied de la lettre, une série de conversations entre une juriste et un psychanalyste, sur la chaîne You tube du même nom (fréquence de publication : environ toutes les deux semaines)

* Enfin, vous pouvez toujours retrouver sur cette page les rendez-vous qui ont eu lieu ou qui auront lieu à la suite de la publication de La Constitution au XXIè siècle. Histoire d’un fétiche social paru il y a exactement deux mois chez Amsterdam, et qui semble tranquillement faire son chemin, celui de, au moins, susciter la discussion. J’essaie de tenir cette page à jour autant que je le peux.

                                                                       Merci pour cette lecture ! Lauréline Fontaine, mars 2025

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décembre 2024

Ethique et tocs

Il faut bien du travail pour produire des analyses sérieuses qui ne disent pas tout à fait ou pas du tout la même chose que ce qui se dit habituellement, là où la répétition, même avec beaucoup d’intelligence, demande tellement moins d’efforts et d’investissement.

Par un tour de force à peine croyable, c’est la parole la moins signifiante qui est valorisée et considérée comme « scientifique ». Ici, par exemple, on ne reproduit pas le discours généré par les institutions, parce qu’on voit autre chose dans ce qui est fait et dit, qui nous verra sommés de nous justifier, là où la simple reproduction du discours, sans aucune espèce d’argument, vaut parole-étalon. On peut apprécier ici les paroles de Michel Foucault, interviewé par Jacques Chancel en 1975, se demandant comment on avait réussi à rendre le savoir déplaisant. 

Ce ne serait pas si grave si tout n’était pas mis en place pour empêcher, ou, à défaut, disqualifier, les analyses « autres », devenues quasi-subversives par le seul effet de n’être pas en forme de psittacisme. Il s’agit de dire comme et à la manière de, parce que, ce qui compte, ce n’est pas tellement que le monde soit rendu intelligible, mais qu’on ait bien intégré des règles posées à un moment donné comme seules susceptibles de valider une parole.

Et pourtant, comme observateurs, nous ne disons jamais la vérité, tout en la disant chaque fois. Nous proposons des analyses de ce que nous décidons de regarder au titre de ce qui se passe dans le monde, avec le plus d’outils possibles, avec plus ou moins de clairvoyance selon chacun et selon les situations, et nous les soumettons à la discussion et à la compréhension. Et, dans le même temps, viennent s’immiscer dans ces analyses bien des éléments liés aux personnes que nous sommes et à la manière dont nous conduisons notre vie, faisant que nos analyses disent aussi toujours tout ou partie de notre vérité. Certains font profession de la percevoir à travers nos paroles, aussi sérieuses et « scientifiques » soient elles, et c’est passionnant.

J’ai certainement déjà cité, dans une newsletter précédente, l’anthropologue Malinowksi, et je ne résiste pas à la redite : 

Dans chaque culture, nous trouvons des institutions différentes grâce auxquelles l’homme défend ses intérêts vitaux, des coutumes différentes par quoi il réalise ses aspirations, des codes de lois et de morales différents qui récompensent ses vertus et punissent ses fautes. Analyser les institutions, les coutumes et les codes ou se pencher sur le comportement et la mentalité, sans le désir subjectif de prendre conscience de ce qui anime les gens (…),c’est, à mon avis, passer à côté de la récompense suprême que l’on peut espérer retirer de l’étude de l’homme

Bronislaw Malinowski, Les argonautes du Pacifique, 1922 (je souligne)

Je ne m’occuperai donc pas ici de ces évaluateurs qui ne font rien d’autre qu’un travail de censeurs, lorsqu’ils somment de justifier une parole au regard d’un étalon dont eux-mêmes ne savent apporter qu’une justification tautologique, par l’effet d’un bête apprentissage et d’un savoir non interrogé pour ce qu’il est et représente.

Je ne m’occuperai pas non plus de ces « spécialistes » et « experts » de la constitution qui ne se scandalisent pas un seul instant lorsque le président d’une instance, le Conseil constitutionnel, qui n’a que les universitaires pour en légitimer l’indigne travail, menace à mots à peine voilés des avocats parisiens qui prennent l’initiative d’examiner la réalité de ce travail à partir des analyses que j’ai proposées dans un ouvrage pétri de faits (La Constitution maltraitée. Anatomie du Conseil constitutionnel, toujours disponible en librairie !), et dont il déclare, sans étayage aucun naturellement, qu’il s’agit de « contre-vérités » (Le coup de sang de Laurent Fabius, et, à ma connaissance, exception faite, dans le domaine du droit constitutionnel, de Bastien François sur son compte twitter et en publiant aussitôt le compte-rendu de l’ouvrage sur le site de Droit et Société).

Que je ne m’attarde pas sur ces questions n’enlève rien à cet état de fait généralisé de lâcheté et d’entre-soi… mais je ne fais là évidemment que proposer une analyse, à partir des quelques éléments posés précédemment…

Hergé, Les aventures de Tintin : Coke en Stock, 1958

Puisque donc je ne parlerai pas vraiment de tout cela, amour de la prétérition oblige, j’en profite pour vous annoncer deux nouveautés de fin et de début d’année : 

* La parution de mon nouvel ouvrage, le 15 janvier prochain,

aux éditions Amsterdam *

La constitution au XXIÈ siÈcle. Histoire d’un fÉtiche social.

Soirée de lancement le jeudi 16 janvier 2025,

 à la librairie COMPAGNIE,

58, rue des Ecoles, 75005 Paris

Cet ouvrage est le fruit de toutes les discussions et questions posées à propos de l’ouvrage précédent, La Constitution maltraitée. Anatomie du Conseil constitutionnel, qui m’ont fait avancer sur la manière dont je devais prendre en compte comment chacun, juriste ou pas, entretenait un rapport au discours constitutionnel et à l’idée constitutionnelle. Il a fallu aussi s’intéresser à ce qui s’est effectivement passé dans nos sociétés depuis que les constitutions s’écrivent. Les liens entre toutes les représentations de l’idée et du texte constitutionnels, les discours des experts et des politiques à propos de la constitution, et la réalité sociale, font une histoire à la coloration assez différente de celle couramment délivrée, à la manière d’une bonne parole.

Vous trouverez la présentation de l’éditeur ici, dont je reproduits ici un extrait : 

Retraçant l’histoire de l’écriture des constitutions et de leurs effets, Lauréline Fontaine propose dans cet ouvrage une critique novatrice de ce fondement des sociétés libérales. Elle montre que l’ère de l’homo constitutionalis, entamée au XVIIIe siècle, est celle de la foi dans une religion qui dessert le plus grand nombre, en maintenant les peuples à distance de l’exercice du pouvoir.

* La création de la chaîne YouTube Au Pied de la Lettre *

par Jean-Thibaut Fouletier, psychanalyste et Lauréline Fontaine, juriste

Il s’agit d’entretiens d’une durée de 10 à 30 minutes chacun, postés à une fréquence d’environ toutes les deux semaines, où il n’existe aucun objectif particulier d’exhaustivité, d’encyclopédisme ou de cohérence, sans pour autant céder au « grand n’importe quoi ». La parole file et certains fils apparaissent. Le thème indiqué pour chaque épisode donne une idée, seulement une idée de ce qui s’y raconte.

Episode 1 : transmettre ?

Lauréline Fontaine, décembre 2024

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Septembre 2024

Chers tous, 

J’envoie cette newsletter de manière inédite via ma messagerie de la Sorbonne Nouvelle car le système d’envoi de mon site ne marche définitivement plus, jusqu’à son remplacement peut-être dans les mois qui viennent.

* Si vous ne voulez pas ou plus recevoir cette newsletter répondez par retour de mail en écrivant dans l’objet « Désinscription » *

Ledroitdelafontaine.fr est un site dans lequel des éléments de réflexions, à propos de ce qui se passe et qui peut avoir un rapport avec le droit, sont mis à la disposition de tous, par voie de textes, tribunes, entretiens, vidéos et audios, à charge pour chacun de rebondir, ou pas.

Les dernières choses postées sur le site sont mentionnées après le texte de la lettre du jour.

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Surtout, ne rien attendre

J’ai longtemps entendu que pour vivre heureux il fallait vivre caché. Le principe dit beaucoup de l’idée que nous nous faisons des autres, « mangeurs » de bonheur et donc à craindre absolument. Mais lorsqu’on estime faire « profession » de penser, c’est-à-dire lorsque, par définition, on s’inscrit dans un rapport à l’autre (selon le site du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, faire profession de signifie « déclarer publiquement, manifester ouvertement des croyances ou des opinions »), se cacher de penser est tout simplement impossible. 

Est-on alors immanquablement malheureux à ne pas être caché de penser, notamment s’il apparaît qu’on ne pense pas tout à fait dans ou avec le vent ? 

En posant la question, je pense à toutes ces personnes, chercheurs, journalistes, citoyens, qui, par un travail méthodique et réfléchi (ça compte), font apparaître la réalité de pratiques et de pensées dont la teneur contrarie sans ambiguïté des principes et valeurs affichées au fronton de la communauté politique et sociale. Souvent, ils le font en dépit des discours, qui ne sont que de la pure contrefaçon, mais qui font quand même référence.

A y réfléchir, les zones d’ombre sont rares et ne tiennent pas si longtemps. Nous sommes supposés savoir presque tout de la réalité qui nous entoure, puisque non seulement nous la vivons mais puisqu’il suffit aussi de se renseigner un peu, d’ouvrir ses yeux et ses oreilles, dans un monde où l’information pleut.  Bien des pratiques – criminelles, inhumaines ou scandaleusement dysfonctionnelles – sont dévoilées, analysées et documentées presque quotidiennement dans le monde. Qu’il s’agisse de l’esclavage moderne, de la vente et usages des armes, des pratiques des groupes pharmaceutiques, des mensonges et tromperies quasi-permanents des politiques (qui d’ailleurs participent activement ou passivement aux pratiques citées avant), des petites lâchetés quotidiennes qui permettent que tel ou tel parent frappe son enfant au su de tous, ou qui font l’impasse sur les comportements insoutenables de certains professeurs ou animateurs dans leurs établissements, etc. Chacun ira de son exemple et de son expérience. Le vivier est intarissable, sans que rien ne soit comparable avec rien. 

Les « petites » victoires, judiciaires souvent (qu’on pense par exemple à l’affaire du Mediator), paraissent se nourrir de ce qu’autour, tout s’amplifie. Un scandale chasse l’autre et, souvent, malgré la publicité faite à une dénonciation, une mise au jour, un décryptage, que ce soit par voie de presse, de livre, ou les deux, la réalité est aussi celle que ce monde ne change pas véritablement. Il ne change pas parce qu’on feint de l’ignorer. 

Les ouvriers et artisans du faire savoir ne sont pas souvent « récompensés ». Ils savent et font savoir le pire, mais fréquemment en toute indifférence. Et comme on ne veut pas croire au pire, celui-ci arrive toujours. Il arrive aussi qu’ils aient directement à payer le prix de leur savoir. Non seulement la réalité qu’ils mettent au jour de manière publique et éclatante se maintient souvent en bonne forme, ou évolue pour se déployer ailleurs, mais, en plus, ils doivent affronter l’incrédulité ou l’indifférence de la plupart de leurs contemporains, voire leur acrimonie. Le bûcher de Giordano Bruno existe toujours, mais on lui préfère des formes physiquement moins violentes, quoiqu’ayant parfois ce type de conséquences (qu’on pense à l’affaire des suicidés de France Telecom). 

Surtout donc, ne rien attendre du dévoilement, de la dénonciation, du démontage et de la démonstration méthodiques. Mais, il est vrai, s’attendre à quelques conséquences tout de même, comme pour ces employés de la bibliothèque Doucet, mutés, placardisés ou ostracisés (voir Le Monde, octobre 2022). Ne pas attendre de, mais s’attendre à. 

Ne pas s’étonner non plus devant l’inconsistance de ceux qui, réceptionnant une pensée, un travail, une information, ne leur accordent de valeur qu’à la condition de pouvoir être chassés par d’autres pensées, travaux ou informations, qui à leur tour seront chassés par d’autres, sans attention véritable pour ce que ça dit de la réalité.

Ne rien attendre, puisque, de toutes les façons, il y a l’incompressible, l’irrationnel et néanmoins parfaitement réel : le fait que, devant la réalité tangible, éprouvée, avérée, démontée, démontrée, nous lui préférons si souvent celle sur laquelle nous voulons nous construire, et nous défendons bec et ongles cette réalité purement fantasmée. 

Et se rappeler que ce besoin de voir la réalité autrement qu’elle n’est est ce qui lui permet d’être toujours ce qu’elle est. Un cercle très vicieux, que l’on ne rompt qu’à la condition de prétendre échapper à l’inconsistance.

Je laisse ici un petit objet musical sympathique où l’attente est personnifiée: https://www.youtube.com/watch?v=BnHsEuk5_Nk

Lauréline Fontaine, 6 septembre 2024

* Les dernières publications du site *

J’ai un peu tardé à actualiser le site car j’ai beaucoup circulé, rencontré beaucoup de gens, organisé un colloque, et même écrit un nouveau livre (il sortira très bientôt !). Il y a donc encore beaucoup de textes en cours de finalisation, en français et en anglais, mais, d’ici là, voici quelques nouvelles choses que j’ai postées, toutes sur la constitution, dont quelque chose me dit que cela a encore avoir avec l’actualité :

* Des nouvelles du colloque « Penser le ‘bon gouvernement’ au XXIè siècle » qui aura lieu les 3 et 4 octobre prochains à Paris (vous avez reçu un message à ce sujet) : nous sommes en train d’organiser sa retransmission en direct, vous recevrez un message à ce sujet d’ici la fin du mois de septembre.

* Des textes/tribunes

Qu’avons-nous fait de la Constitution ? Tribune sur le site de la Revue parlementaire, juillet 2024

Des « sages » qui se tiennent sages, Le Monde diplomatique, mars 2024

* Des entretiens… vidéos ou écrits

La Constitution « Open Bar », entretien vidéo pour Blast, août 2024 (à propos d’une note du Secrétariat Général du Gouvernement)

Entretien écrit avec Dominique Sicot pour la revue L’inspiration politique, juin 2024

Il faut penser plutôt que subir nos institutions, Entretien écrit avec Laurent Ottavi pour le Média Elucid, juillet 2024

Quel est l’avenir de l’Etat ? Entretien avec Malgorzata Jacyno et Anna Musiala dans le cadre d’une rencontre intitulée La Constitution dans la culture occidentale, est-ce déjà un Etat autoritaire ?  Poznan, novembre 2023.

* Des rencontres… vidéos ou audios

Rencontre avec Les Amis du Monde diplomatique, Amnesty International et France Terre d’Asile autour de la loi dite pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, Versailles, 14 juin 2024 (en audio seulement)

Constitution : outil d’émancipation ou de censure politique ? Réunion publique avec Barbara Stiegler, Philosophe, Pierre Crétois, Philosophe, Lauréline Fontaine, Juriste, et Loïc Prud’homme, député de Bordeaux (vidéo)

* Nouveau*

Au pied de la lettre, prochainement sur ledroitdelafontaine.fr : une série de discussions libres entre une juriste et un psychanalyste, 

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janvier 2024

De l’éthique, du gouvernement et du droit

Je vous souhaite à tous une très bonne année 2024, avec tout le courage nécessaire et des envies intactes La thématique de l’éthique, du gouvernement et du droit devrait nous tenir encore longtemps.Ils sont en tout cas l’objet de tout ce que je vous propose ci-dessous, qui commence par la reproduction du petit discours prononcé hier soir samedi 27 janvier lors de la cérémonie de remise des prix éthiques de l’association Anticor, puisque le travail réalisé avec le livre « La Constitution maltraitée. Anatomie du Conseil constitutionnel » (éditions Amsterdam, mars 2023) y a été distingué.
(vous pouvez retrouver la diffusion de la cérémonieICI, et bientôt sur le site de l’Association). « Le métier de chercheur n’est pas de dénoncer. Il est de rendre le monde plus intelligible, pour qu’on ne puisse pas dire, on ne savait pas.Le Conseil constitutionnel français, et ce que nous en faisons depuis plusieurs décennies, participent de l’effondrement idéologique de notre communauté politique : nous acceptons d’avoir une justice constitutionnelle qui n’est ni indépendante, ni impartiale, ni transparente ni déontologique, qui ignore délibérément des pans entiers de la Constitution en la reléguant à une somme de procédures dont la raison d’être n’est pas interrogée, faute à la fois de compétence et de volonté. Voilà ce qui est ressorti de mon travail : le Conseil constitutionnel n’exerce pas le contre-pouvoir de droit qu’il prétend, il n’est pas un bon garant de nos droits et libertés. En écrivant ce livre, j’ai souhaité inscrire mon travail dans l’espace public, provoquer des regards, plus précis et plus justes sur le Conseil constitutionnel, et, aussi, peut-être, j’ai imaginé qu’on pourrait avoir une réflexion collective sur ce que nous attendons de la justice constitutionnelle.Le travail d’Anticor et les difficultés qu’elle traverse la rendaient particulièrement sensible à cette question de ce qui est ou n’est pas un contre-pouvoir. Je ne vous étonnerai pas en disant que la partie à jouer est encore longue.En dépit du soulagement qui peut être éprouvé à propos la décision du Conseil constitutionnel rendue jeudi 25 janvier sur la loi dite immigration, je ne suis en effet pas certaine qu’il y ait lieu à des réjouissances. D’abord, dans la décision, pas un mot sur l’usage délibéré de l’inconstitutionnalité de la loi comme technique de gouvernement. Autrement dit, il est acté que l’exercice de fonctions politiques s’accommode fort bien d’être hors le droit. Ce n’est même pas nouveau.Ensuite, je rappelle que par cette décision, le texte proposé par le ministre de l’intérieur en mars 2023, ressort quasi-intact du contrôle opéré par le Conseil constitutionnel : la contractualisation de l’immigration, validée ;  la suppression de l’aide sociale à l’enfance pour les jeunes majeurs faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire, validée ; la suppression de presque tous les motifs excluant que soit prononcée une Obligation de quitter le territoire français, comme le fait que l’étranger réside régulièrement en France depuis 20 ans ou qu’il soit le parent d’un enfant mineur résidant en France, validé. La République française n’a plus de compassion. Et pour censurer 32 dispositions de la loi, le Conseil constitutionnel ne dit pas un mot sur les droits et les valeurs qui fondent notre communauté politique : pas un mot sur le fait que nombre des dispositions censurées balayaient d’un revers de main les principes du respect de la dignité de toute personne humaine et la solidarité nécessaire à la survie d’une communauté humaine. En ne s’engageant pas, une nouvelle fois, sur ce terrain, le Conseil constitutionnel nous éloigne encore un peu plus de la possibilité de faire corps autour de ce qui, justement, fait une communauté politique. Tout cela n’a été, nous dit-il, qu’une question de procédure, 32 fois, avec au passage, une détérioration de la structure démocratique de nos institutions dont il semble ignorer tout des principes qui l’organisent. Les fameux « cavaliers », même s’ils nous sauvent de ce qui était pire encore, le sont hélas au prix d’une négation des droits du parlement élu.Alors aujourd’hui, certains veulent mettre à bas le principe même de la justice constitutionnelle, en tant qu’elle représente une limite à l’action politique, et ils renoncent en même temps à l’édification d’un socle politique des valeurs faisant communauté. On aurait tort de penser que le Conseil constitutionnel n’y est pour rien, ni tous ceux qui en prennent la défense : au contraire, il en est le savant artisan, tout occupé qu’il est, à satisfaire la prétention de ceux qui y siègent. Un recul historique minimal montre que des institutions gravement défaillantes sont le lit du populisme, de l’autoritarisme et de la violence : ce constat fonde en partie l’exposition de mon travail de chercheur dans l’espace public, qui n’est donc pas de dénoncer, mais de mettre une lumière, même crue, sur ce qui est et advient, pour qu’on ne puisse pas dire, on ne savait pas. »Lauréline Fontaine, 27 janvier 2024
Et puisque j’ai évoqué la décision du Conseil constitutionnel du 25 janvier 2024, voici un texte publié dans le Club de Mediapart ce dimanche 28 janvier, et que vous également pouvez retrouver ICI.
*Un Conseil constitutionnel dont le fonctionnement se trouve être l’objet d’une affaire en cours devant un comité des Nations Unies, le Comité d’Aarrhus en charge du suivi de l’application de la Convention sur l’accès à la justice en matière environnementale, par l’action de 3 associations françaises, France Nature Environnement, Greenpeace France et la Sphinx. Les professeurs Thomas Perroud, Dominique Rousseau et moi-même avons à ce sujet déposé des observations devant le comité en octobre dernier, qui sont disponibles sur le site du Comité, sur le site de la revue Questions constitutionnelles et à propos desquelles nous avons rédigé une tribune parue dans le journal Le Monde en date du 18 janvier dernier. Vous pouvez retrouver toutes ces références ICI. *J’en profite également pour vous annoncer la tenue d’une rencontre à la Maison du barreau de Paris le 21 mars prochain de 15h à 18h, sur Le Conseil constitutionnel. Un diagnostic accablant, en collaboration avec l’avocat Charles Morel, où participeront des associatifs, avocats, journalistes, universitaires et politiques. Le programme définitif sera disponible sur le site d’ici quelques jours. *
Dans la catégorie « bon gouvernement »,  la question des représentations et des usages du droit est aujourd’hui constamment discutée par une partie grandissante de la classe politique, qu’elle se trouve en France ou ailleurs.      * Voici un texte publié dans les Mélanges en l’honneur de Bertrand Mathieu, paru en décembre 2023, Agir selon le droit ?      * Et ma participation à « Le temps du débat » en décembre 2023 sur « Qu’est-ce que l’art de bien gouverner ?« , France Culture, Emmanuel Laurentin, que vous pouvez également retrouver ICI *Enfin, la considération de ce que, en publiant La Constitution maltraitée, j’ai été amenée à exposer dans l’espace public ce que bien des juristes disent ou disaient savoir, interroge nécessairement sur ce que les juristes font de et dans cet espace public, et quelle(s) méthode(s) ou absence de méthode(s) les fait en quelque sorte, la plupart du temps, ignorer sciemment cet espace.       * C’est en partie l’objet d’un texte paru en janvier 2024 dans les Mélanges en l’honneur de Stéphane Pierre-Caps, Pour une discipline juridique féconde.

Bonne lecture et bonne écoute à tousLauréline Fontaine, Janvier 2024Et aussi ou pour rappel :– De la Vè à la VIè République : mode d’emploi, soirée organisée par Mediapart avec Paul Alliés, Véronique Champeil Desplats, Bastien François, Dominique Rousseau, Raquel Garrido, Jérémy Jordanoff, Sophie Taillé-Polian, Boris Vallaud- La Constitution, outil d’émancipation ou de censure politique ? Soirée organisée par Loïc Prud’homme (et son équipe !), député de la Gironde, avec les philosophes Pierre Crétois et Barbara Stiegler.- Qu’est-ce qu’un ‘grand’ juriste ? Essai sur les juristes et la pensée juridique contemporaine, paru en 2012 chez Lextenso, a fait l’objet d’un retirage en octobre 2023.

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octobre 2023

C’est fini ?

L’avait-on vu venir ? Ce n’est pas si sûr. 

Soyons heureux, car, enfin, « [N]otre Constitution clôt la quête d’un bon Gouvernement », a dit le Président de la République française le 4 octobre dernier dans son discours sur l’anniversaire de la Constitution française prononcé au Conseil constitutionnel.

Terminées donc les gesticulations sur un changement de Constitution et/ou de République, car hors de propos. Terminées aussi les centaines d’années de sciences comparatives et historiques commencées avec Aristote sur la recherche et les conditions d’un « bon gouvernement ». Nous l’avons sous le nez, ici, en France, et ce depuis 1958. Une organisation des pouvoirs qui mériterait sans doute de retoucher un peu l’œuvre monumentale d’Ambrogio Lorenzetti afin qu’elle rende gloire à notre œuvre constitutionnelle enfin réussie, après tant d’essais post-révolutionnaires ?

Certes il y a des choses à ciseler encore, mais l’essentiel a été fait. Il n’est plus question d’y revenir. La fin de l’histoire, qui oblige les constitutionnalistes à se muer, au choix, entre de purs historiens ou des agents de la parole constitutionnelle française.

Prenons donc acte de ce qu’il est indifférent que les droits sociaux régressent – ils n’étaient de toutes les façons qu’une concession de forme nous dira-t-on -, que les libertés individuelles aient été presque réduites à la santé et à une apparente sécurité, que la forme démocratique et délibérative du gouvernement soit purement et simplement oubliée, que même le contre-pouvoir de droit que pourrait être le Conseil constitutionnel ne soit qu’une antichambre du pouvoir exécutif réduit désormais à siéger dans les conditions indifférentes à l’impartialité nécessaire du juge en pays démocratiques (ainsi que viennent encore de l’illustrer deux décisions récentes, du 14 septembre rendue en-dessous du quorum nécessaire dans l’affaire Fillon, et du 28 septembre 2023 sur un dispositif législatif dont l’un des membres du Conseil ayant siégé était signataire !), ou qu’enfin le Conseil d’Etat se déclare incompétent pour ordonner la cessation de la politique des contrôles au faciès (décision du 11 octobre 2023). Pour ne donner que quelques exemples. 

D’après les trois singes de la sagesse, feutre sur papier, Jean-Thibaut Fouletier, 2023 

Il faut donc résolument penser qu’il n’y a rien de mieux que de de confier le sort d’une société politique à la vertu – ou plutôt à l’absence de vertu – de ses gouvernants dont il n’apparaît plus opportun de les soumettre aux lois. En bref, passé à la moulinette de nos institutions soixantenaires, le choix des hommes d’avoir un gouvernement des lois s’est mué en une capacité capricieuse des gouvernants à suivre leurs propres lois, une capacité à partir de laquelle pourtant peuvent s’exposer bien des œuvres philosophiques et politiques de notre histoire, en quête du moyen d’y échapper. C’est fini donc, et c’est ça la véritable « révolution », un retour à la case départ.

Lauréline Fontaine, Octobre 2023

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Avril 2023

Le cachet de la « post »

Vive la post-justice constitutionnelle !

Pourquoi pas ? Il y a beaucoup de pensées « post » ces dernières décennies, à la valeur assez inégale il faut bien le dire : le postmodernisme, le post-situationnisme, le post-structuralisme, le post-colonialisme, mais aussi la post-vérité, la post-démocratie ou le post-humanisme.

« Post » ou non, il y a actuellement une potentialité à ne pas manquer, celle d’organiser en France une justice constitutionnelle enfin digne de ce nom, c’est-à-dire remplissant les conditions élémentaires de toute justice dans un Etat démocratique et un Etat de droit : une instance qui ne pourrait pas être qualifiée de juge et partie, une instance qui connaitrait les règles de la délivrance d’une justice dans les conditions de l’indépendance, de l’impartialité et de la déontologie, une instance qui serait hermétique aux différentes influences susceptibles de s’exercer sur elle, un procès qui s’organiserait selon les principe du débat contradictoire en fonction des différents intérêts en cause, des décisions qui rendraient compte d’un véritable débat et d’argumentations sérieuses et approfondies, à la fois parce qu’elles censurent des textes législatifs mais tout autant parce qu’elles les valident aussi. Là ne s’arrête pas la liste des sujets autour desquels réfléchir pour organiser une autre justice constitutionnelle en France.

La sortie de mon ouvrage, La Constitution maltraitée. Anatomie du Conseil constitutionnel aux éditions Amsterdam le 3 mars 2023, a coïncidé avec la séquence politique entamée à la fin du mois de janvier par le dépôt du projet de loi sur les retraites par le Gouvernement devant le bureau de l’Assemblée nationale, et qui s’est prolongée par l’attente fébrile de la décision du Conseil constitutionnel le 14 avril prochain. Ce livre avait une vocation, que l’actualité a servi : mettre la question de la délivrance de la justice constitutionnelle en France dans le débat public.

Au regard du contenu du livre, on peut dire que c’est un certain succès. En effet, je peux saluer Anne Chemin du journal Le Monde pour avoir écrit que ce livre n’était pas un pamphlet, mais qu’il était un « examen approfondi des règles déontologiques et procédurales qui régissent le Conseil, une analyse pointue de sa jurisprudence depuis 1958 et une comparaison détaillée avec les cours constitutionnelles du monde entier ». Et de fait, ma démarche a été de rassembler un ensemble de faits, tous avérés, et de les confronter à des idées aussi simples et fondamentales que « qu’est-ce qu’un juge ? », « qu’est-ce qu’une justice impartiale », « qu’est-ce qu’une décision de justice motivée ? », etc., toutes ces questions étant entendues à partir de leur acception courante dans les régimes démocratiques et au regard des constructions institutionnelles et intellectuelles autour de la notion d’Etat de droit. Il s’ensuit que si j’ai évidemment fait un livre politique parce qu’il analyse une institution au cœur du système politique, il n’est ni politicien ni partisan, en dépit du fait qu’il est effectivement « à charge », car je ne suis pas juge. Ce que le livre contient renouvelle néanmoins à certains égards la critique, ce qui ne devrait pas dispenser certains de le lire alors qu’ils en parlent.

Il résulte en tous les cas de cette écriture que des médias à la consistance et aux propos forts différents s’y intéressent et s’y sont intéressés (vous pouvez voir la liste que j’essaie de tenir à jour sur cette page), et que, donc, j’entretiens, dans ce moment unique, la mise à disposition de ce qui résulte de mon travail. Du Figaro Vox à l’Humanité en passant par Le Monde, Regards ou Cnews (oui oui, car le sujet mérite l’attention de tous), France Inter ou RTL, cette parole est presque toujours prise pour elle-même. Chacun, comme c’est le cas pour n’importe quel type de parole, en usera comme il le peut et comme il l’entend.

D’autres rendez-vous sont à venir encore et c’est le moment pour dire que, si d’aventure, le Conseil constitutionnel venait à censurer la loi en totalité comme beaucoup l’y invite, il ne me semble pas que ça devrait lui conférer un brevet de légitimité, ni pour le passé ni pour l’avenir, car, comme je l’analyse dans le dernier chapitre de mon livre, les décisions de censure ne sont pas celles qu’il faut regarder le plus : ce sont toutes celles qu’il ne censurent pas qu’il faut également regarder pour déterminer si on peut ou non faire du Conseil constitutionnel ce qu’il prétend être depuis plusieurs décennies, à savoir un contre-pouvoir.

Pour tous ceux qui estiment que la question ne doit pas cesser au lendemain du 14 avril, je reste à disposition pour en débattre, y compris, voire surtout avec les étudiants, juristes ou non. Vous pouvez m’écrire à cette fin.

Et pour continuer et alimenter toujours la réflexion sur cette question, je vous propose aujourd’hui deux textes, l’un écrit avant la rédaction de mon livre et qui en préfigure certains passages, et l’autre également écrit avant le livre, mais « peaufiné » après.

  • Les enjeux éthiques de l’administration de la « justice » constitutionnelle (à paraître dans les Mélanges Sériaux)
  • Les enjeux éthiques et démocratiques de la désignation des gardiens de la Constitution. Etude comparée (à paraitre dans Le Tribonien, 2022), 1/3. La version anglaise est à venir.

Bonne lecture à tous. Lauréline Fontaine

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Février 2023

Lettres de cachet

Je remercie Jean-Thibaut Fouletier (www.tybolt.fr) pour son illustration

Le moins que l’on puisse dire est que la confiance et la défiance s’affichent comme des préoccupations dans bien des discours contemporains. S’il faut avoir foi, comme l’intiment les sondages relevant la défiance des citoyens à l’égard des institutions, la question se pose pourtant de savoir en quoi ou par quoi ? L’une des clés proposées serait l’accrochage d’une parole à la vérité plutôt qu’à la fausseté. Le vrai et le faux seraient ainsi des repères tout aussi nécessaires que prétendument manquants. Mais, au regard de ce qui se passe, ce registre est de toute évidence défaillant : tout se discute et se conteste, à petite comme à grande échelle. Il s’ensuit que, comme source de lecture de l’espace social, le ressort de la vérité et de la fausseté a cet effet inévitable de le polariser. Si d’un côté, tout se discute et tout se conteste, d’un autre côté, tout se vérifie, se valide ou s’invalide. Les nuances se muent en oppositions brutales, et l’évaluation des discours donne lieu à une « épistémologie de tribunal »[1].

L’hyper attention à la vérité et à la fausseté est pourtant proprement inhumain, ou, en tout cas, une minoration incroyable des ressources de notre humanité, car elle ordonne les discours de manière simpliste : si seul ce qui est rigoureusement vrai mérite attention, il n’y a presque plus de place pour les idées qui, elles, ne sont ni vraies ni fausses. Mais comme on oublie un peu trop facilement que la vérité qui s’attache au fait n’est pas tout à fait la même que celle qui s’attache au discours sur les faits, ce qui guide le classement ordonné des discours dans l’espace social au nom de la vérité est en réalité le choix d’un type de discours sur les faits, qui relègue les autres à du pur parti pris. On en est là : avoir un discours sur les faits tend à devenir un parti pris inacceptable lorsqu’il ne coïncide pas avec ce qui est pris pour des faits.

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Au nom d’une objectivité ainsi mal comprise, par paresse et commodité le plus souvent, le principe même de la discussion devient diabolique et la diffusion de contenus alternatifs à celui faisant office de vérité est un virus à combattre. Cerise sur le gâteau, ou plutôt, gâteau sous la cerise, l’appel à la vérité donne un brevet de légitimité à ceux qui s’en réclament. Contrairement à l’idéologie comtienne qui comptait sur les bienfaits de la science pour l’humanité entière, la vérité et l’objectivité contemporaines profitent surtout à ceux qui en font leur miel : ceux dont la fonction est de produire cette vérité et ceux dont la fonction est d’établir des correspondances et de valider ou d’invalider les discours à partir de cette mesure.

Presque logiquement, ce qui a changé dans la signification du droit est donc sa propension à ne plus établir sa propre vérité, parce qu’il est sommé de suivre celle qui est pensée à part de lui. Tant que le droit était envisagé comme ce qui permet à l’homme de décider comment il souhaite et peut évoluer dans son environnement naturel, il « disait » ainsi le monde de sa propre fenêtre. Autrement dit, il était l’incarnation des idées de l’homme sur le monde. Mais dès lors que les idées sur les faits paraissent de plus en plus injustifiées, puisque seuls les faits compteraient, la fonction du droit est mécaniquement minorée. Il devient seulement l’outil de traduction d’une vérité qui s’imposerait à lui. L’appauvrissement qui s’ensuit coûte très cher, tandis que nous sommes submergés par des normes dont il faudrait admettre qu’elles ne traduisent que l’inéluctabilité du monde.

En suivant, parler du droit de manière objective devient un simple recopiage de ses énoncés et de la vérité qu’ils transposeraient, c’est-à-dire un discours sur les faits qui se prend pour les faits eux-mêmes.

Bien sûr il y a des espaces pour proposer autre chose, du moins d’autres discours sur les faits. Mais si l’on n’y prend pas garde, ils peuvent aussi prendre leurs discours sur les faits pour la vérité. La difficulté reste donc de proposer un discours légitime sur les faits qui ne se prendrait que pour ce qu’il est : une proposition d’intelligibilité du monde, déconnectée du registre de la vérité et de la fausseté, tout en étant ancrée dans la réalité. Le droit mérite bien qu’on s’y essaie.

[1] « La pandémie pose la question fondamentale de la place du doute en science », Bernadette Bensaude-Vincent et Gabriel Dorthe, Tribune, Le Monde, 21 décembre 2021.

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Je vous propose aujourd’hui des éléments de discussion sur ce registre de la vérité, qui n’ont pas été publiés sans mal. Au prétexte que je n’aurais pas le titre d’épistémologue, ceux qui parlent au nom de la vérité, sans être eux-mêmes épistémologues, pensent précisément pouvoir dire qui peut et qui ne peut pas parler et en parler : « Vérité, politique et démocratie. Petits arrangements » : Un entretien avec Lauréline Fontaine

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Voici également des éléments d’une lecture du droit de l’expression publique, que la revue Mouvements publie dans son dossier « Actualités de la censure » : S’exprimer, au nom de quoi ?

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Enfin, je suis très heureuse de vous annoncer la parution prochaine de mon ouvrage La Constitution maltraitée. Anatomie du Conseil constitutionnel, aux belles éditions Amsterdam, le 3 mars 2023. C’est une lecture des faits que je vous y propose. L’ouvrage est préfacé par Alain Supiot.


A voir aussi : Réforme des retraites et 47.1 : comment ça marche ? C’était la question du jour sur la matinale de France culture sur laquelle il me revenait de donner quelques explications :
https://youtu.be/TC81lYtpRRk?feature=shared

In Memoriam

Au mois de janvier, Catherine Labrusse-Riou est partie. Sa réflexion était singulière en ce sens qu’elle ne se laissait pas prendre au jeu des modes à partir desquelles il faudrait comprendre et faire bouger le droit. Qu’on soit ou ne soit pas toujours d’accord avec ses analyses, elle cherchait toujours à comprendre le droit en regard de la place de chaque humain dans l’humanité toute entière. Vaste programme et pourtant indispensable. On lui avait remis des Mélanges il y a quelques mois. Muriel Fabre-Magnan il y a quelques années avait réuni des écrits de Catherine Labrusse dans un ouvrage publié aux PUF, Ecrits de bioéthique, disponible sur le portail Cairn. Aujourd’hui je vous propose de visiter le site de la Revue Esprit qui avait publié ce texte en 1996 : « La filiation en mal d’institution » (et disponible aussi dans les Ecrits de bioéthique)


Et A venir sur le site :

Le cachet de la « Post » (prochain envoi)
– Les enjeux éthiques et démocratiques de la désignation des gardiens de la Constitution. Etude comparée (1/2)
– Les enjeux éthiques de l’administration de la « justice » constitutionnelle

De la séparation des pouvoirs en question (prochain envoi)
– Agir selon le droit ? Brèves réflexions à partir d’un rapport d’information du Sénat
– Les enjeux éthiques et démocratiques de la désignation des gardiens de la Constitution. Etude comparée (2/2)

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mai 2022

Penser le contemporain (3/3)

Comment apprécier une pensée qui ne peut pas se dire ? Il se trouve bien des cas où ces choses qu’on ne dit pas – car souvent on ne doit pas les dire – sont un aspect essentiel, déterminant même, de ce dont on parle, si bien que je doute depuis longtemps du caractère réellement sérieux des sciences qui « racontent » quelque chose. Combien de fois doit-on garantir le « off », combien de fois doit-on ravaler une donnée pour rester dans les clous de la bienséance ou du – soit-disant – « sérieux » de l’analyse ? Notamment, il se trouve que les phénomènes humains, c’est-à-dire des faits qui sont le résultat d’interactions entre êtres humains, sont rarissimement explicités au regard d’éléments dont chacun d’eux doit pourtant avoir à se débrouiller avec, depuis toujours et pour toujours : leur corps, leur respiration, leur alimentation, leur sommeil, leur hygiène, leur sexualité. Si on y réfléchit bien, cela a quelque chose de profondément étonnant, comme si les hommes pouvaient s’expliquer ce qu’ils sont d’une manière qui fasse abstraction de ce qu’ils sont fondamentalement. 

Cela fait qu’il ne serait pas scientifique d’expliquer une décision politique, administrative ou commerciale en recourant à l’argument de la sexualité, par exemple. Ça c’est pour les films ou la littérature, mais pas pour la science. Autrement dit, la science se propose très souvent de chercher une explication sans lien avec la réalité, pour la première raison que l’on préfère l’ignorer et la fantasmer. En droit, on a bien essayé de construire une théorie de l’interprétation juridique fondée sur ce qui aura constitué ou non le petit-déjeuner du juge, mais c’est tellement vulgaire – entendez « normal » – que ça ne mérite pas qu’on s’y attarde trop.

Si le but de la science est de rendre le monde plus intelligible, il y a donc fort à parier qu’elle contribue au contraire à l’ignorer, à le brouiller. D’ailleurs, un scientifique est souvent – heureusement pas toujours – ni plus ni moins qu’un homme ou une femme qui cherche à être reconnu comme scientifique, et pas quelqu’un qui souhaite rendre le monde plus intelligible : la raison d’être de son discours ne peut donc être tout à fait comprise au regard de son contenu, mais au regard de ce qui a motivé son auteur, ce qui n’est pas la même chose. Quant à la question de savoir pourquoi tel ou tel cherche à être reconnu comme scientifique, cela a avoir avec ce qui fait tel ou tel comme être humain vivant, et c’est sans doute de ce côté qu’on peut chercher.

A cet égard, peut-être connaissez-vous cette blague, que j’ai entendu pour la première fois il y a plus de 30 ans dans la bouche de Jacques Attali : « Moïse a dit : « Tout est loi. » Jésus a dit : « Tout est amour. » Marx a dit : « Tout est argent. » Rockefeller a dit : « tout est à vendre ». Freud a dit : « Tout est sexe ». Enfin… Einstein est arrivé et a dit : « Tout est relatif ! » ». Quel blagueur ce Jacques Attali, et depuis il n’a pas vraiment changé. On se souvient par exemple que l’intendance de la fameuse Commission Attali, où Emmanuel Macron faisait ses débuts dans le monde politique, était déjà assurée par le cabinet McKinsey. Re-blague. 

Et, alors que pour cet épisode 3 de « Penser le contemporain », je voulais vous parler de tellement de choses (de la Russie qui a quitté le Conseil de l’Europe et qui a ainsi fait cesser la blague qui consistait à croire qu’elle était d’accord pour respecter les droits et libertés fondamentales, du nombre burlesque d’infractions existantes en droit français et du nombre réel de celles qui sont utilisées, du nouveau règlement intérieur du Conseil constitutionnel – encore une blague -, de Muriel Pénicaud qui n’a pas pris la tête de l’Organisation Internationale du Travail – ça aurait vraiment été une mauvaise blague -, d’un pays où pour la 3ème fois l’extrême-droite est présente au second tour de l’élection présidentielle et où le rôle de la garde de la constitution n’échoit pas d’abord à une juridiction mais au Président de la République – ça c’est la mauvaise blague), je me suis décidé à m’arrêter sur le rapport du plus grand think tank français dans le domaine juridique (mais pour promouvoir quelle vision du droit !), Le club des juristes, rapport intitulé « Pour un droit au service des mutations économiques et sociales fondamentales de notre société. Propositions pour la campagne présidentielle », publié en février 2022, et issu d’un groupe de travail présidé par… Jacques Attali himself, chef des juristes ! Attali maître es blague, 12è dan. 

Mais il faut dire qu’il a un bon public, car les juristes qui constituent le-dit club ne sont pas en reste, qui en ont accepté le principe. Déjà était drôle le fait d’avoir désigné l’ancien premier ministre Bernard Cazeneuve comme leur président, certes avocat… mais quand même… Avec ce rapport piloté par Jacques Attali, les juristes ont poussé plus loin la blague. 

Est-ce que tout ça ne se dirait pas ou ne serait pas sérieux ? Mais pourtant c’est tout à fait exact, et ça en dit pas long sur la manière dont on conçoit le droit aujourd’hui. La démarche même du rapport est fort instructive puisque, à le lire, « n’ont été retenues que les conclusions ayant fait l’objet d’un consensus de la totalité des membres de la commission ». Réjouissons-nous donc de qu’il est ainsi par exemple proposé de « favoriser la réciprocité en matière de marchés publics, encourager la réflexion en faveur d’un principe de préférence européenne dans la commande publique et en faire des instrument de développement des startups et nouvelles entreprises européennes » (proposition n° 21) ou de « Mener une réflexion sur l’éducation et l’orientationafin d’en chasser les stéréotypes, proposer un brevet de l’égalité attestant du suivi de formations dédiées à la compréhension et à l’identification du sexisme » (proposition n°4). Des propositions aussi incisives il y en a 46… 

Bref, penser quelque chose c’est d’abord porter un regard sur cette chose. C’est donc faire le choix de porter son regard sur cette chose, un choix qui est plus ou moins explicite. On peut regarder la même chose que les autres, ce qui est un choix. On peut aussi identifier autre chose à voir et à penser.  

Je vous propose donc quelques nouveaux éléments de réflexion initiée par un regard de biais, qui, à l’instar du tableau Les ambassadeurs, permet parfois, sinon de voir mieux, au moins de voir la chose elle-même, et pas n’importe laquelle d’Holbein (voir une rapide présentation de ce tableau, comment et ce qu’il faut vraiment y voir).

Voici donc quelques nouvelles réflexions et de nouvelles propositions sur le site :

– Des réflexions sur ce qui fait la portée du droit constitutionnel, dont on doit convenir qu’elle n’est ni très forte, ni très libératrice parce que, en premier lieu, on le fantasme au lieu de le penser tel qu’il est. L’optimisme a du bon mais il confine plus souvent à l’aveuglement

  • Un texte, qui revisite, à partir de l’histoire croisée des institutions, les supposés liens « amis » entre libéralisme et démocratie : Le libéralisme est-il une condition de ou un obstacle à la démocratie ? Petite histoire institutionnelle du « piège libéral »et, en anglais, Is liberalism a condition of or an obstacle to democracy? A short institutional history of the « liberal trap »
  • Un texte, sur le Conseil constitutionnel, puisqu’il faut y revenir encore et qu’il ne s’agit pas d’y défendre la place des juristes, mais de porter un regard tout à la fois éthique et sérieux sur ce qu’on attend de la justice constitutionnelle : « Bilan et réflexions sur une éthique de la justice constitutionnelle à la lumière de ce qu’en font et de ce qu’en disent ses acteurs. Que doit-on attendre d’une réforme – nécessaire – du conseil constitutionnel ? », un texte assez long certes, mais qui illustre le cumul des graves défauts affectant le Conseil constitutionnel.
  • Une interview, sur le spectre de la constitution et des droits, à propos des fables que l’on raconte depuis si longtemps : avec radio RDWA comme d’habitude, ou la liberté d’avoir le temps de dire
  • Une tribune, qui invitait les juristes à s’engager au-delà de la forme qui les dessert : Marine Le Pen, le référendum et les juristes

– Les nouveautés du site 

  • « A voix haute », à droite sur la page d’accueil quand vous arrivez sur le site depuis un ordinateur ou en bas sur les smartphones ou tablettes. Il s’agira d’enregistrements cours (environ 5 minutes). Il y a aura bientôt une série sur la constitution mais en attendant voici un pilote, dont la qualité n’est pas encore très bonne mais qui peut donner le « ton ». Le thème en est « l’écriture ».
  • Un nouvel onglet , qui contient quelques-uns des textes du site en anglais, dont, outre celui mentionné précédemment, un texte datant de 2017 sur « Effectivité et Droit de l’Union Européenne sous le regard d’une analyse sociétale », devenu ainsi Effectiveness and European Union Law from a Societal Perspective.

– Deux impressions de lecture enfin 

  • Quand le voir n’y suffit pas, parce que les autres sens font aussi le sens :   L’aveuglement, de José Saramago ;
  • Et quand voir va avec savoir, une histoire de titre et de sous-titre : La volonté de savoir. Histoire de la sexualité I, Michel Foucault.

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janvier 2022

Penser le contemporain (2/3)

Quand on exige d’un auteur qu’il fasse preuve
d’honnêteté intellectuelle, cela revient
le plus souvent à un sabotage de la pensée.

Theodor W. Adorno, Minima Moralia.
Réflexions sur la vie mutilée (1951),
Payot, 2001, trad. E. Kaufholz et J.-R. Ladmira, p.109.

Peu de lecteurs qui pensent échappent à cette sensation que des propos tenus il y a tant d’années, voire tant de siècles, résonnent incroyablement avec le temps présent. De la philosophie à la science-fiction, ceux qu’on appelle les visionnaires ne voient pas seulement pour l’avenir, ils voient « avant » les autres ce qui est déjà là. Cela peut-être parce que si les manifestations de ce qui se passe sont propres à chaque époque, et en dépit d’évolutions incontestables, il semble que le grain de l’homme reste lui toujours présent, peu changeant finalement : il y aurait donc quelque chose qui peut ainsi fait dire aux uns et aux autres, à ces « visionnaires », qui voient l’avenir et le passé dans le présent, un peu toujours la même chose, mais avec des mots et des objets différents. Qu’en est-il de la haine ?

L’optimisme aveugle veut voir dans le moindre événement l’occasion d’une dilution de la haine, ce fameux « monde d’après », hélas réductible à des applaudissements nocturnes en réalité sans valeur. Il se pourrait que l’homme ait toujours besoin de haïr, et que, pour cela, il lui faille trouver les meilleurs arguments. Dans Fanny et
Alexandre
, le réalisateur suédois Ingmar Bergman dresse le portrait d’un évêque qui fait endurer à d’autres les frustrations qu’il s’inflige à lui-même, avec l’aide d’une famille toute dédiée. L’une des scènes finales le confronte avec les ex-beaux-frères de sa nouvelle femme, où il pousse jusqu’au bout la vertu de son ignominie contre la superficialité et le mercantilisme de ses opposants. La haine sanctifiée.

On peut bien haïr, pourvu qu’on ait une, voire « la », morale de son côté. La morale aujourd’hui peut paraître rendre la haine difficile, puisqu’il y a bien des personnes qu’il est en toute morale impossible de haïr : les étrangers bien sûrs, les gros aussi, les femmes naturellement, les homosexuels tout autant, etc. Si beaucoup doivent du même coup ravaler leur haine, une société sait pourtant trouver les circonstances qui la feront légitimement haïr. Ainsi, depuis quelques mois, les « non-vaccinés » sont ce parfait objet de la haine nécessaire, des salauds qui, contrairement aux noirs, aux arabes, aux femmes ou aux homosexuels, sont coupables d’avoir pu choisir ce qu’ils sont. Cela mérite bien qu’on les accuse de tous les maux face à une pandémie que, hélas, on n’est pas encore parvenu à enrayer, et ce malgré l’accumulation de nos frustrations : on s’est confinés, plusieurs fois, on se cloisonne, on s’est jusqu’ici injecté plusieurs fois des produits notoirement moins éprouvés que les antiques vaccins, etc. Et malgré cela, on constate jusqu’à des centaines de milliers de contaminations chaque jour (sans compter ceux qui passent sous les radars, et ils sont nombreux !), beaucoup plus qu’avant donc, dans un pays où plus de 90 % des adultes sont vaccinés. Il faut bien que quelqu’un paye pour cela, et cela n’a plus rien à voir avec la pandémie elle-même.

Dans le village de Saint-Jacut-de-la-Mer dans les Côtes d’Armor (un peu moins de 1000 habitants), la passion Covid a emporté avec elle une équipe municipale et les habitants : le point de départ – mais cela aurait pu en être un autre – est le fait que le maire ne soit pas vacciné… L’homme non vacciné n’est plus un homme : la déclaration de 1789 avait sans doute oublié de le préciser.

 Il ne suffisait donc pas que des personnes non vaccinées développent plus volontiers des formes graves de la Covid lorsqu’elles sont contaminées ; il ne suffisait pas non qu’elles ne puissent plus vraiment participer à la vie sociale, quand tous les autres vont au café, au cinéma ou prennent le train, quand tant d’autres, nantis de leur vaccin de haute moralité, ne se testent plus, s’embrassent et évitent les fameux « gestes barrière » (quelle expression encore !). Non, ça ne suffisait pas : il fallait les mettre moralement à terre : l’Etat sert à cela, a déclaré le Président de la République il y a peu. Même après la pandémie, il faudra encore sans doute soumettre les derniers « réfractaires », plus inacceptables que la pandémie elle-même.

L’histoire et notre quotidien sont faits depuis longtemps de ce lait ; une répétition interminable, où le jeu consiste pour beaucoup à se retrouver du « bon » côté. Du côté du bourreau quand il a le bon sens de son côté ; du côté du dénonciateur de bourreau quand une nouvelle raison l’emporte. Bourreau des âmes ou bourreau des corps c’est d’ailleurs tout comme : il s’agit qu’une même raison l’emporte sur tous les corps, ces corps anonymisés puisque tous soumis à la même loi de l’assujettissement consenti. Mais la répétition prend des formes toujours nouvelles.

Si la morale collective a toujours produit de la haine et des pratiques afférentes, celle-ci n’ont pas toujours été « juridiques », en ce sens que le droit n’avait pas encore pris toute la place. Maintenant que c’est fait, l’une des formes contemporaines de la haine, c’est le pénal peut-être, désormais support revendiqué de la morale collective. C’est en ce sens qu’on peut comprendre le presque passé inaperçu « droit de repentir » de la nouvelle loi renforçant les outils de
gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique
, c’est-à-dire concrètement conditionnant la vie « normale » (et donc morale) à l’obligation de vaccination. Il s’agit en effet de permettre à celui ou celle qui aura été convaincu d’avoir fait usage d’un « faux » pass(e), de se repentir de sa mauvaise action… en faisant la preuve de son entrée dans un parcours vaccinal dans un délai de 30 jours ! Dit d’une autre manière, il s’agit clairement de pénaliser un choix de vie, celui de ne pas se faire vacciner et de vouloir quand même accéder aux mêmes services que les autres.

Disons simplement que le dispositif mis en place traduit évidemment tout autre chose de notre société qu’une simple lutte contre la pandémie, sans que cela se dise. Et d’ailleurs, le Conseil constitutionnel ne sait lui-même pas dire autre chose, puisqu’il place désormais son raisonnement en-dessous du niveau de la mer (à marée basse) : oui, dit-il, toutes les libertés sont atteintes, mais non, dit-il encore, il n’y a pas de la violation de la constitution, puisqu’il s’agit de remplir l’objectif de protection de la santé publique, objectif légitime dès lors qu’il est nommé (voyez la décision du 21 janvier 2022).

L’attention portée aux « crises » diverses – économique, terroriste, sanitaire – est opportune pour une manière de gouverner qui n’en pouvait plus de rester clandestine. Disons que, de rapports entre les hommes il s’agit bien, et que le droit en est évidemment le coeur. Il est le support de ce qu’on appelle aujourd’hui le « néolibéralisme », ou parfois la raison néolibérale, qui astreint les hommes à un certain type de relations, à savoir que les corps sont tenus par les effets d’un même langage, dans lequel d’ailleurs nous nous lovons si souvent sans restriction aucune.

               * Je vous propose à ce sujet 1 audio de conférence, et le texte qui la suit (en français et en anglais), tout en précisant que je ne considère pas ces 3 supports comme équivalents. Il y a dans l’oralité d’un auteur, quelle que soit sa manière éventuelle de jouer ou de théâtraliser, quelque chose qui ne se lit pas dans l’écrit : ce dernier est plus « propre », plus « complet » aussi, mais on peut s’y perdre sans saisir l’essentiel, plus entendable dans la personne elle-même. De la même façon, à traduire on transforme un peu.

Si donc les corps sont tenus par un langage, un langage à vocation universelle, on peut alors s’interroger sur les particularismes de ces corps : valent-ils ou non des « sujets » à part entière, et surtout au regard du droit, grille de lecture devenue tout à la fois Graal et réalité de l’interprétation du monde ? (Voyez déjà L’un et le multiple. Réflexions sur la mise à l’écart du « sujet » en droit et dans la pensée de Gilles Deleuze) :

             * Ici une nouvelle ébauche de réflexion sur les rapports « corps-sujets » dans la matrice juridique contemporaine : un texte, « Les corps sans sujets et le déni de sujet », en hommage à Catherine Labrusse, qui a essayé de penser le droit et les corps sans être contrainte par les apparents bons sentiments.

Deux nouvelles impressions de lecturepour parachever cet envoi :

* De corps il est toujours question et du rapport que le droit entretient avec lui, avec ces Chroniques du juste et du bon de Louis Assier-Andrieu, recueil de textes commencé par la fameuse affaire Pitcairn, où il est question de rapports sexuels dont la collectivité s’empare à travers le droit. Quelques très très rapides idées sur cette lecture.

            * Et aussi, de l’obstination d’un homme seul à être certain de sa clairvoyance, paré d’une logique implacable, voilà de quoi nous parle Edgar Poe dans Le scarabée
d’or,
sorte d’histoire fantastique prétexte à une interrogation implicite sur le raisonnement.

Bonne lecture à tous.

Lauréline Fontaine, Janvier 2022


A venir :

Penser le contemporain (3/3)

Plus « constitutionnel » que les autres, il y sera question de libéralisme et de démocratie à travers le réexamen historique de mécanismes constitutionnels (un texte) et l’analyse détaillée et presque sociétale du contrôle de constitutionnalité des lois et de ses acteurs (un texte). Une pensée aussi sur la manière de penser les droits de l’homme avec les outils des juristes, dont la valeur heuristique est quasi-nulle (un texte). Deux impressions de lectures enfin pour parfaire l’idée traversant finalement ces analyses (L’aveuglement et La volonté de savoir, Saramago encore, et Foucault encore aussi sur le site)


Précédemment :

Penser le contemporain (1/3)

– Vérité, politique et démocratie. Petits arrangements, un texte
– Droit et démocratie au temps du Covid 19,
– une interview de 45 minutes(à propos de certaines évolutions du droit)
– Le mythe du nouveau monde (un texte de Jean-Jacques Sueur)
– trois impressions de lecture : La lucarne (Saramago), L’oncle Anghel (Panaït Istrati), Le sel du présent. Chroniques de cinéma (Eric Rohmer)

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Décembre 2021

Penser le contemporain (1/3)

La limitation de l’espace de la pensée peut s’apercevoir aujourd’hui partout, en ce qu’elle serait même une manière de structurer le social. Il ne s’agit pas ici et seulement de s’inquiéter de l’importance prise par des contenus médiatiques indigents et addictifs ou par des débats mettant l’accent sur l’insignifiance de la pensée. Il s’agirait, avec quelques efforts pour dépasser ce qui nous est ainsi immédiatement donné à voir à un rythme ininterrompu de faits et d’idées qu’on finit par suivre sans hiérarchie réelle, et qu’on appelle « l’actualité », de constater que se sont mises en place des bases solides pour que, où que l’on soit et qui l’on soit, il n’y ait pas souvent matière à penser.

En dépit de ce que le monde semble ainsi s’organiser pour ne pas le penser, il n’est pas nécessaire d’en être loin pour avoir un regard autre. Disons que l’exigence d’un regard autre est une forme d’apprentissage permanent pour repérer des lignes, c’est-à-dire des fils très solides à partir desquels nous tissons une histoire sociale.

Des indices sérieux à propos de ces fils, de ces lignes, sont l’existence de notions et termes en usage, dont le propre chemin semble tourner à une forme d’omnipotence sociétale, dans la mesure où leur évocation tend à épuiser d’emblée tous les autres registres possibles. Elles font en effet silence autour d’elles. Ce sont des notions qui, par leur puissance évocatrice et moralisatrice, ne
se discutent ainsi pas
, et encore moins par les gens sérieux. Si leur hyper-présence dans l’espace social semble refléter un alignement des pensées de ses membres, sont du même coup déployées sur leur fondement ce qu’il faut de mesures sociales pour faire entrer les encore incrédules dans le rang. Un rang à géométrie variable certes, mais tout de même un rang bien serré…

… Et le droit est un réceptacle très efficace de ces notions autour desquelles il se structure progressivement, de telle sorte qu’elles tendent à fonder toute décision publique, pour, ce faisant, limiter, voire anéantir, l’espace de discussion sur tout projet sociétal puisque, en elles-mêmes, elles sont le projet implicitement déjà réalisé.

*

Je vous laisse découvrir et tourner autour de ces notions au fil de trois envois : le présent texte est le premier de cette série sur « penser le contemporain » par laquelle je vous propose des éléments d’analyse sur le monde contemporain à partir de l’observation du droit, dont je rappelle que je ne le
considère jamais seul,
mais en lien constant avec ce qui n’en relève pas spécifiquement.

Ce fil en trois étapes s’appuie sur mes travaux de cette année finissante, qui sont nés de préoccupations à cet égard sollicitantes : la démocratie, le libéralisme et même le néolibéralisme, notions dans lesquelles je suis parfois entrée de plain-pied, et parfois par d’apparentes « petites » portes.

Je ne propose pas une voie quelconque vers laquelle nous devrions nous diriger, une conception idéalisée de la démocratie ou du libéralisme, mais un essai d’analyse de ce qui se passe, en mêlant observation du droit dans les textes, observation du droit dans les corps et les esprits, observation du vécu et ressenti de tous et de chacun. Bout à bout, ces différents éléments feraient presque société, et il
s’agirait, en tant que chercheurs, de bien savoir en quoi
.

Et ce n’est pas si facile puisque, du point de vue de la compréhension du social, l’inhibition dans laquelle se trouvent tant de chercheurs (à partir des questions quels
objets ?
, quels outils ?, quelle légitimité ?), contraste avec le regard souvent acéré et intuitivement juste de la littérature, de la musique ou du cinéma, qui peuvent s’exposer sans preuve « scientifique », en comptant seulement sur celle de notre ressenti intrinsèque, avoué ou inavoué et que, par l’effet de notre modernité, nous avons mis au rebus des choses « vraies » et rendues accessoires de la pensée sérieuse, devenue ainsi en partie inconséquente. Mais ça déborde toujours comme on dit.

            Ce qui est sûr est que les hommes cherchent la plupart du temps et de tout temps à accéder au vrai, quel qu’ils le considèrent, qu’ils pensent l’avoir trouvé ou non, et quelque accommodement qu’ils en tirent. Ils qualifient, disqualifient et hiérarchisent les différents modes d’accès à la connaissance – entendre, écouter, regarder, voir, sentir, toucher, imaginer aussi – selon des critères qu’ils élaborent à cette fin, et construisent ainsi des croyances.

Ce sont quelques-unes d’entre elles qui font l’objet de mes présentes réflexions.

  • De « vérité » il sera question dans un
    premier texte que je vous propose. Si elle est ancienne, la notion de vérité –
    et la manière dont elle est comprise – postule, dans le monde contemporain, à
    être la mesure de l’expression et à fonder la décision publique, et notamment
    pénale. La relation entre le vrai et le pénal n’est pas complètement neuve mais
    évolue et continue d’interroger le projet social.

– Vérité, politique et démocratie. Petits arrangements, un texte.

  • De mises en lien il sera question ensuite, avec un fil
    directeur : avec le commencement on
    connaît le plus souvent déjà la fin.
    C’est bien sûr illustré en ce moment
    même avec les velléités exprimées un peu partout de confiner les non vaccinés –
    ce qui est loin d’être une surprise – dans la continuité d’un processus qui n’est
    pas né avec le début d’une pandémie mondiale mais bien avant et qui nous y a
    habitué. De ce fait, c’est quasi sans discussion qu’il se déploie, puisque
    toujours aussi fondé sur des arguments en eux-mêmes « indiscutables ».

– Sur tout cela il y a une interview de 45 minutes sur la radio locale, RDWA,

– Il y a une conférence filmée, Droit et démocratie au temps du Covid 19, avec sa version écrite.

  • Et puisqu’il s’agit de comprendre ce qui se passe,
    Jean-Jacques Sueur nous propose une petite réflexion « à chaud »
    comme il le dit lui-même. L’ignorance « mère de tous les maux » n’est
    pas l’ignorance intellectuelle et historique des choses, ce qui arrangerait
    bien tous les « sachants ». Elle est l’illusion savamment entretenue
    de ce qu’il ne se passe pas ce qui se passe vraiment.

 – Le mythe du nouveau monde, un mythe assurément bien entretenu pour entretenir l’espoir d’une simple parenthèse à ce qui nous arrive.

  • Pour terminer enfin cette première livraison sur « Penser le contemporain », je vous propose trois impressions de lecture :

– La lucarne, deuxième roman de José Saramago mais publié par la force des choses après sa mort. Où l’intégrité prend le pas sur le reste, plus courant qu’on ne le pense, mais si peu souvent mis en avant.

  • Oncle Anghel, deuxième ouvrage de Panaït Istrati dont la vie est presque plus extraordinaire que ses ouvrages et où les histoires qu’il y raconte tentent ainsi de se hisser à sa hauteur.

– Le sel du présent. Chroniques de cinéma, un abondant recueil de critiques écrites par Eric Rohmer, dont les fulgurances n’ont justement pas besoin de preuves pour qui sait être attentif au présent.

                        Bonne écoute, bonne lecture à tous

Lauréline Fontaine, décembre 2021


A venir :

Penser le contemporain (2/3), où il sera question de droit et de société au prisme de l’explication néolibérale(une conférence et un texte), decorps sans sujets (un texte) et de quelques lectures (Assier-Andrieu et Poe, Chroniques du juste et du bon et Le scarabée d’or)

Penser le contemporain (3/3), plus « constitutionnel » que les autres, où il sera question de libéralisme et de démocratie à travers le réexamen historique de mécanismes constitutionnels (un texte) et l’analyse détaillée et presque sociétale du contrôle de constitutionnalité des lois et de ses acteurs (un texte). Une pensée aussi sur la manière de penser les droits de l’homme avec les outils des juristes, dont la valeur heuristique est quasi-nulle (un texte). Deux impressions de lectures enfin pour parfaire l’idée traversant finalement ces analyses (L’aveuglement et La volonté de savoir, Saramago encore et Foucault encore aussi sur le site)

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Février 2021

Lettre du 25 février

Parution le 25 février 2021 de :

« Capitalisme, libéralisme et constitutionnalisme », Mare et Martin, février 2021

L’ouvrage sur le site de l’éditeur

Il est rare qu’un phénomène social n’interagisse pas avec les autres. Lorsque des idées soutiennent des pratiques, il est tout aussi rare qu’on ne puisse pas observer leurs évolutions les unes vis-à-vis des autres. Les jonctions, conjonctions ou disjonctions entre différents phénomènes sociaux sont finalement ce qui fait société, et les observer participe de son entendement. 

Mais les cloisonnements disciplinaires, justifiés par les meilleurs arguments, empêche la possibilité même d’accéder à cet entendement. Pas sans raison, qui explique que lorsque des liens sont évoqués ici ou là, ils ne sont pas pris au sérieux : l’évocation de ces liens n’engagent que rarement les hommes à les explorer. Lorsque par exemple Karl Polanyi évoque entre deux lignes que les évolutions du constitutionnalisme vers la démocratie sont très étroitement liées aux analyses et aux évolutions du capitalisme (The Great transformation. The Political and Economic Origins of our Time, 1944), il s’appuie sur une analyse personnelle, ne fait pas « doctrine », ni ne s’appuie sur une doctrine préexistante. Capitalisme et constitutionnalisme, en tant qu’ils sont des idées qui soutiennent des pratiques, fort diverses d’ailleurs, s’ils sont socialement liés, relèvent en tout état de cause de disciplines distinctes : s’il se conjoignent dans l’espace social, ils se dissocient dans l’espace scientifique.

Cette dissociation a des conséquences : on peut estimer aujourd’hui que le constitutionnalisme est impropre à jouer un rôle de frein face aux effets du capitalisme, parce qu’en les pensant « scientifiquement » distinctement, on les prend pour des phénomènes sociaux séparés. Et si on concède ici ou là des liens, ce n’est pas pour les analyser en profondeur, en en laissant toujours la responsabilité « aux autres ». Mais si on ne pensait pas ces phénomènes comme socialement distincts, on pourrait par exemple, à titre d’hypothèse, considérer que l’état du constitutionnalisme aujourd’hui est précisément le fruit de son rôle dans le système capitaliste, en tant qu’il ne lui est pas extérieur mais bien partie prenante. Et là où se conjoignent libéralisme et capitalisme, à travers ce qu’on nomme désormais le « néo-libéralisme », on pourrait se demander s’il n’y a pas également lieu d’y lier le dit « néo-constitutionnalisme ». 

L’inventeur identifié de l’expression « néo-libéralisme », le journaliste Louis Rougier qui a organisé le fameux colloque Lippmann en 1938, n’a-t-il pas produit en 1952 un ouvrage de 204 pages intitulé La France à la recherche d’une Constitution (Sirey) ? Le juriste Louis Boulouis en fait à l’époque une critique assassine à la Revue Française de Science Politique (1952, p. 822), en pointant le manque de rigueur dans cette « science difficile » qu’est le droit constitutionnel et le partisianisme de Louis Rougier. S’il a sans aucun doute raison, il n’est pas non plus rigoureux pour ses successeurs d’ignorer les effets sur le droit constitutionnel d’une pensée sur l’économie et les institutions et des pratiques qui en relèvent. Le droit constitutionnel n’est pas une chose en soi, ce sont des pensées et des pratiques qui évoluent avec et en même temps que d’autres pensées et d’autres pratiques qui peuvent faire ainsi communauté.

Le travail commencé avec cet ouvrage est une première somme d’analyses « autour » de ces différentes idées et pratiques que constituent le capitalisme, le libéralisme et le constitutionnalisme. Les uns et les autres des contributeurs de cet ouvrage ont eu pour tâche, à partir de leur personnalité et de leurs compétences propres, d’essayer de penser « ensemble » ces trois champs sociaux délimités par leur nomination. Qu’ils soient tous ici remerciés pour ce partage, à la suite du colloque qui avait été organisé par Olivier Peiffert, Nicolas Brémand et moi-même en juin 2019 (vous trouverez les différentes interventions en vidéo ici : https://www.ledroitdelafontaine.fr/images-du-colloque-capitalisme-liberalisme-et-constitutionnalisme/).

L’ouvrage a pu être publié grâce au soutien et à la participation du centre de recherche de la Sorbonne NouvelleIntégration et Coopération dans l’Espace Européen, dirigé par l’historienne Christine Manigand. Il bénéfice d’une très belle couverture reproduisant un détail du tableau du peintre Jean-Thibaut Fouletier Au revoir les enfants (à voir ici : http://tybolt.fr/au-revoir-les-enfants-2/).

*

Puisque je parle de tableau, en voici un autre de Jean-Thibaut Fouletier, sur lequel j’ai réalisé un petit commentaire sonore tout à fait « personnel » : Animal Chaleureux.

*

Qu’il s’agisse de peinture, de capitalisme ou d’organisation universitaire, il s’agit toujours d’une manière de parler le monde que nous constituons et dans lequel nous vivons : voici quelques réflexions à l’occasion d’une interview sur cette nouvelle sémantique du distanciel et du présentiel dont on se demande comment on avait fait avant pour penser hors de ces mots : https://rdwa.fr/interview/propos-sur-le-presentiel-et-le-distanciel-par-laureline-fontaine/

Bonne balade.

Lauréline Fontaine, février 2021.

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novembre 2020

C’est à quel sujet ?

On peut croire qu’avoir l’air de parler de la pluie et du beau temps en prétendant parler du droit est une activité qui n’a pas de validité scientifique, qui ne demande pas une attention constante aux choses, ou n’appelle pas à un choix toujours acéré des mots pour le faire.

On peut aussi faire comme si le droit n’avait que peu à voir avec nos vies, nos désirs, nos errements, quand bien même l’on concède que oui il est élaboré, interprété, voire parfois ignoré, par ceux-là mêmes qui se débrouillent depuis toujours avec leurs vies, leurs désirs, leurs errements, comme si donc il n’y avait pas de lien à faire. Par un tour de passe-passe sans doute l’un des plus efficaces de notre civilisation, nous avons rangé le droit dans la catégorie des « objets » objectivables, susceptibles d’énoncés qui le sont tout autant, neutres bien sûr.

Il me semble que dire quelque chose sur le droit qui nous renseignerait vraiment sur la marche de l’Homme et des sociétés, suppose d’abandonner ce désir fou d’objectivité et de neutralité, sans nuire à la rigueur et au sérieux d’une analyse qui explore les tréfonds d’une activité humaine, quels que soient les outils dont on se sert.

Faire de son sujet un vrai sujet, voilà peut-être un enjeu de taille.

Aujourd’hui, je décrypte un « notre père » des temps présents-distants-absents, qui décharge un peu beaucoup notre barque de sujet, puisqu’il s’agit de nous mettre toujours plus à distance.

Les acteurs du droit ne sont pas en reste, qui aujourd’hui nous proposent de faire des circonstances le véritable législateur, rangeant l’histoire du droit à l’histoire des faits, à la condition de bien les mettre en scène bien sûr. Au-revoir le sujet ici aussi.

Mais ce n’est pas une surprise, si l’on veut bien s’apercevoir que le droit contemporain, comme Gilles Deleuze en son temps, a horreur du sujet. Quelques réflexions à ce sujet, justement.

Et comme il est décidément difficile d’être optimiste pour la survie du sujet par le droit, je vous propose une troisième variation de la vie des hommes infâmes, référendaire cette fois (après une variation littéraire et une variation législative en janvier dernier), puisque le 3 novembre n’a pas seulement été le jour du scrutin présidentiel aux Etats-Unis mais l’occasion aussi d’un référendum californien sur les travailleurs de plateformes, dont le résultat confirme la tendance à l’écrasement du sujet par les moyens du droit.

A tous une bonne lecture, et à bientôt.

Lauréline Fontaine, 16 novembre 2020

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Juillet 2020

Le sacrifice et la parole

 Le sacrifice n’est pas forcément celui que l’on croit. Une expérience récente me le rappelle : le sacrifice invoqué par ceux qui croient en être l’objet est en réalité le plus souvent celui de ceux à qui il est opposé. La jouissance du sacrifice se lit dans la possibilité de lui donner un effet, « opposable » comme disent les juristes. A-t-on quelque chose à dire que le sacrificié vous oppose que c’est lui qui agit à votre place, et surtout, rappelez-le vous bien, pour vous. Prière de se taire donc, et de faire le sacrifice non dit de la parole à tout jamais illégitime pour le sacrificié. 

Il se produit donc des lieux fermés, barbelés même, où la parole n’est admise qu’à condition de ne rien dire. Le plus étonnant est que, même sur le béton et le barbelé les herbes folles s’infiltrent et entraînent avec elles d’autres moments de vie. Voici le nouveau Focus du droit de la Fontaine : choisissez votre camp.

Les paroles déjà dites restent, quoi qu’il arrive, si on les reconnaît. Ce sont quelques nouvelles impressions de lecture. Il y avait longtemps.

Et qu’allions-nous faire dans cette galère, nous 2 avocats et 2 professeurs de droit, pour exposer publiquement l’indéfendabilité d’une pratique qui pourtant ne cesse pas ? C’est sur Mediapart depuis le 6 juillet : Cherche éthique désespérément au Conseil constitutionnel.

Un très bon début d’été à vous tous.

Lauréline Fontaine, 8 juillet 2020

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Juin 2020

L’ignorance de la vie

L’actualité révèle que l’association « Chiffre » et « droit » n’apparaît pas comme celle de la carpe et du lapin mais comme une complémentarité à la fois naturelle et nécessaire : de l’association de type loi de 1901 Chiffre
et droit
aux « professionnels du chiffre et du droit » regroupés dans le cabinet ProFormal en passant par la revue Les cahiers du chiffre et
droit
ou encore la société immobilière La
maison du chiffre et du droit
, la gouvernance par les nombres constatée et analysée par Alain Supiot (La gouvernance
par les nombres. Cours au collège de France,
2012-2014, Seuil, 2015), a de moins en moins à être démontrée… Si le droit baigne dans les chiffres (il suffit de lire un texte de loi adopté aujourd’hui pour y voir des chiffres en série, soit qu’il s’agisse de comptes, de calculs ou de mesures, soit qu’il s’agisse de références, chiffrées évidemment puisque toute chose aujourd’hui est « numérotable »), on peut dire que, de manière plus générale, la prégnance du chiffre dans l’analyse sociétale ne fait aucun doute. Les chiffres sont ainsi suivis à la trace et donnés constamment en pâture à ceux que l’on imagine s’en nourrir grassement : qu’il s’agisse de statistiques, de pourcentages, de temporalité, de sondages et tout simplement de comptages, les chiffres ou leurs avatars constituent désormais le presque tout de l’actualité quotidienne (il y a un chiffre ou une référence à un chiffre dans la majorité des titres et sous-titres des articles de la presse généraliste quotidienne). Truisme désormais, mais la portée de cette réalité semble quand même très largement ignorée par l’ensemble des intellectuels et pseudo-intellectuels qui élaborent l’information et les bases de l’analyse du monde. L’effective portée de cette lecture numérique du monde est surtout la continuelle ignorance de ce qui se passe
vraiment
.

C’est ainsi dans l’apparent plus grand confort de cette ignorance que l’on se love dans les chiffres : « Prenons les chiffres tels qu’ils sont », évidence béotienne selon le ministre de l’économie et des finances qui nous avait conduits, Jean-Thibaut Fouletier et moi-même, à écrire quelques lignes il y a plus d’une année, chacun dans notre style et sans concertation, mais en partant de cette pensée commune qu’il s’agissait là de l’un des degrés les plus bas de l’analyse, à la fois sociétale et, en l’occurrence, économique. Les deux textes alors écrits depuis ce fragile tremplin, « Fonction métonymique » et « Le
café du commerce et le marc de Bruno 
», s’arrêtaient notamment sur le « déjà pensé pour vous » que procure la référence aux chiffres. Jean-Thibaut Fouletier disait que « de l’impossible, pourtant nécessaire, qui se dénote des lettres du sujet, se motive la politique contemporaine de l’impuissance,
pourtant
justificative, au regard de laquelle ces lettres sont devenues les sorcières de notre temps », tandis que je disais qu’« on peut comprendre le monde, ou au moins le penser, ce qui est déjà bien suffisant, sans avoir à le démontrer de telle sorte qu’il n’y aurait plus de discussion. Telle ne semble pas l’ambition du ministre de l’économie, dont le commerce ne connaît que les chiffres, dont il peut ainsi se parer pour mieux ne pas apparaître et couper court à tous liens possibles ». La séparation des corps décidée en haut lieu ces derniers mois aura pu au moins prendre appui sur cette orgie de chiffres, irréalité tangible au soutien des corps cachés, à la maison ou, désormais, sous un masque. Raoul Volfoni parlait de « réveil pénible » à propos de celui qui finalement lui annonce une pénalité de 10% pour le retard d’impayé[1], annonce précédée d’un coup de poing percutant. Les chiffres annoncés à la cantonade ne parlent eux jamais du corps et du vécu de chacun, et donc d’aucun. Ils sont toujours une irréalité, un imaginaire, un fantasme très bien entretenu. Faut-il rappeler que le principe même d’un pourcentage est de créer une donnée, inexistante sans lui : le pourcentage ne décrit rien, il invente ce qui n’existe pas. Chacun a de sa pratique et de lui-même une idée, un ressenti, un historique, une modalité, dont la combinaison le font être autre que tous les autres, ce qu’aucun chiffre, qu’il soit mesure, comptage, statistiques ou référence, ne pourra jamais décrire. L’utilisation persistante du chiffre comme mode de description du monde est décidément le signe de ce que l’on se tient à distance de la vie.

Le 19 mai 2020, un article est paru dans le journal Le monde intitulé « Coronavirus : à l’hôpital de Die, la vague n’est jamais arrivée, mais les tensions si », et sous-titré « Dans ce petit hôpital de la Drôme, l’administration se préparait à gérer une pénurie de main-d’œuvre, mais avec très peu de cas de Covid-19, l’inverse est arrivé. Une situation qui a engendré des problèmes ». En bref, il a fallu gérer à partir de la politique nationale des chiffres une situation particulière qui était complètement hors chiffres. L’article ne fait pas mention des évènements qui avaient déjà auparavant agité cet hôpital de la Drôme, et notamment la fermeture fin décembre 2017 de l’alors plus petite maternité de France, provoquant à la suite quelques naissances en bord de départementale (Valence à 65 kilomètres, plus pour ceux qui habitent alentours, Montélimar à 91 kilomètres et Grenoble à 99 kilomètres), et même un décès in utero. Les chiffres avaient eu raison de cette maternité (trop peu d’accouchements), quand pour les personnes concernées, à savoir ceux vivant dans cette vallée encaissée et topographiquement hors des données de la mobilité contemporaine, elle paraissait plutôt vitale. Mais là encore, c’est l’effacement évident de la singularité comme produit de la lecture numérique et économique du monde qui l’avait emporté. Tant pis pour les gens.

Je vous propose aujourd’hui le 3ème texte annoncé de droit constitutionnel qui propose une réflexion sur l’empreinte économique de la rédaction de la constitution américaine, texte écrit avec Violaine Delteil, économiste, et qui met l’accent sur les motivations des constituants lorsqu’ils élaborent des constitutions, et sur celles des rédacteurs de textes juridiques en général. Les « gens », le « peuple », sont-ils une véritable clé d’entrée ou doit-on s’efforcer d’y voir autre chose, à savoir des intérêts que l’historien américain Charles A. Beard a scrupuleusement essayé de recenser, notamment par le chiffre ? La réponse est en partie dans la question, mais pas que. Bonne lecture, en français ou en anglais :

Sur l’empreinte économique de la Constitution américaine, lecture croisée de Charles Beard

About the Economic Imprint of the American Constitution, cross-reading of Charles Beard

Lauréline Fontaine, 1er juin 2020

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avril 2020

La promesse de l’écriture

(Mots du 29 avril)

 La portée du droit est-elle liée à la densité de son écriture ? Il est probable que tous nous répondions à cette question par la négative, parce que nous savons ou présumons qu’il peut y avoir du droit, et du droit « solide », en dehors de tout texte. Alors on peut se demander qu’elle est la portée des près de 200 nouveaux textes juridiques adoptés au niveau parlementaire et gouvernemental entre le 9 mars et le 22 avril 2020 en France. Sauf erreur possible dans mon comptage rapide – qui n’entamerait en rien la réflexion à ce sujet toutefois – ce sont 4 lois et 1 loi organique, 58 décrets, 42 ordonnances, 65 arrêtés et 12 circulaires qui introduisent un nouvel état dans l’Etat, celui de l’ « urgence sanitaire ». Et de fait, la plupart de ces textes, parce qu’élaborés et adoptés à une très grande vitesse, trouvent leur justification dans les éléments de leurs intitulés, parmi lesquels : « en raison des circonstances exceptionnelles liées à l’épidémie de Covid-19 », « afin de faire face aux conséquences de l’épidémie de Covid-19 », « en vue de prévenir la propagation du Covid-19 », « en raison de la crise sanitaire née de l’épidémie de Covid-19, « au tire de la période d’urgence sanitaire », « dans le cadre de l’épidémie de Covid-19 », « pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de Covid-19 », etc.

L’écriture est texte, mais elle est aussi inscription des discours dans nos espaces communs. Le recours à un discours récurrent est une forme d’écriture, qu’elle se fasse texte ou non. Pour « faire face », les autorités politiques « habilitées » ont choisi d’écrire un nouveau droit, fondé sur un langage qui paraît faire écho à nos espaces communs d’écriture. Car il n’y a pas que le droit qui s’écrit, ou, du moins, pas que ce qu’on croit ne pas relever du droit, mais qui fait plus que jamais et depuis un long moment l’objet d’une très forte normalisation, par l’écriture, renforcée par l’effet de transmission, et qui crée une conformisation des comportements auquel les meilleures règles ne sauraient parvenir.

La rapidité avec laquelle nous nous approprions des éléments de discours est impressionnante, qui nous fait tous parler de la même manière. Impossible d’échapper à la « distanciation sociale », au « monde » ou au « jour d’après », et maintenant aux « récalcitrants ». Cette accoutumance immédiate ne serait peut-être pas possible sans le terreau sur lequel elle se déploie. Nous sommes ainsi, et depuis un moment, bardés de « guides », « modes d’emploi », « fiches d’information » et, d’une manière générale, de « documents de référence » dans presque tous les domaines de notre vie, qui ont vocation à expliquer comment bien faire, sur la base de ce que certains feraient bien. Ces guides, fiches et documents de références se veulent ainsi surtout des « partages » de « bonnes pratiques », qui mettent les autres pratiques en marge de la norme à suivre. Et le phénomène est socialement très installé puisque ces différents écrits émanent tant des institutions publiques que de groupes privés, qui tous nourrissent d’excellents sentiments à l’égard de cette diffusion. L’individu informé, assisté, et peut-être « augmenté », est le citoyen sans reproche.

 Si donc l’état déclaré d’urgence sanitaire neutralise une partie des normes qui s’appliquent normalement aux échanges qui ne peuvent plus avoir lieu, l’écriture commune du langage et les « guides » réintroduisent de la norme dans l’espace plus réduit de cette vie « à part » des autres corps. Presqu’aussitôt le « confinement » décidé, le secrétariat chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations a ainsi publié un « Guide des parents confinés. 50 astuces de pro », et, d’une initiative privée, est rapidement sorti « Le petit guide pratique du confiné ». Il faut voir comment de tous côtés on s’escrime à vouloir nous faire bien vivre notre « vie confinée », devenu slogan médiatique insupportable car à la hauteur de la conformisation qui la soutient. Ceux qui vivent « mal » sont confrontés à ce devoir de bien vivre par l’assistance des conseils, guides et bonnes paroles. Ceux qui, sans cette respiration artificielle, vivent pourtant « bien », sont priés de ne pas le faire trop savoir car ils saboteraient les fondements de tout un système reposant sur l’intrinsèque difficulté à « faire face » à laquelle nous sommes tenus. Et que dire des « récalcitrants », ici entamant une passe de rock’n’roll, là prenant l’apéritif, objets nécessaires du ressentiment entretenu par les bons pratiquants.

 On peut tout à la fois essayer d’analyser et de prophétiser ce que l’écriture juridique du moment fait pour le présent et pour l’avenir. Mais, la lecture, qu’elle soit celle du texte ou de l’inscription des discours dans l’espace de nos vies, appartient à chacun sans doute. Des éléments de lecture sont toutefois repérables par tous dans le déroulé de la communauté humaine et dans les intentions plus ou moins claires et/ou plus ou moins avoués des « écrivants », qu’on peut chercher à mettre au jour. Si on nous a bien appris que la lecture était importante, et que tout – ou presque – était interprétation, interroger l’acte d’écriture ne l’est sans doute pas moins.

 Je vous propose aujourd’hui le deuxième texte de droit constitutionnel annoncé[1], consacré à l’acte et au moment de l’écriture et de la réécriture du texte des constitutions politiques.

 Cette fois encore, je mets à disposition une version en langue anglaise, pour partager avec nos collègues non francophones. Bonne lecture.

             La stratégisation originelle de l’écriture (et de la réécriture) constitutionnelle

            The original strategisation of constitutional writing (and re-writing)

Lauréline Fontaine – 29 avril 2020

[1] Voyez le premier texte proposé avec les « mots du 14 avril », La (dé)-raison du droit constitutionnel contemporain. Eléments pour un bilan. Voyez aussi le troisième texte proposé en juin 2020, Sur l’empreinte économique de la constitution américaine. lecture croisée de Charles Beard, co-écrit avec Violaine Delteil, et présenté dans le cadre d’un texte intitulé L’ignorance de la vie.

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avril 2020

Raison – Vie nue – (Dé) Raison

Quiconque vit ou a vécu un conflit armé (le monde actuel en compte de nombreux qui laissent souvent les territoires et leurs habitants exsangues), doit sans doute savoir que ce que vivent aujourd’hui les résidents français, comme ceux de la plupart des pays « occidentaux », n’est pas une guerre. Quant aux pays orientaux ou africains où le confinement a été également décrété, s’ils ne sont pas en état de conflit armé, leurs habitants peuvent endurer plus encore ce qu’ils enduraient déjà avant. Les « indices » de la guerre s’accumulent miraculeusement dans la bouche de nombreux acteurs et observateurs, comme une aventure qu’ils s’esbaudissent de vivre eux aussi.

La rhétorique de la guerre à laquelle il est recouru depuis plusieurs semaines, sur le modèle de la parole instillée par le président de la République, relève d’une raison particulière. Si les juristes sont nombreux à s’inquiéter d’une fragilisation des libertés (et j’ai moi-même accepté de co-signer une tribune à ce sujet), ce qui se passe aujourd’hui au plan du droit ne peut être considéré comme une situation nouvelle, temporaire ou exceptionnelle. Tous les voyants étaient depuis bien longtemps au rouge, et il n’était qu’à se pencher pour ramasser les premiers décombres de la raison juridique et politique de nos sociétés contemporaines. Il est vrai que les évolutions du droit depuis longtemps commencées prennent un peu de vitesse, à la faveur d’une situation sanitaire dont le politique tire son « la » du moment. A strictement parler, le dispositif mis en place par des mesures politiques et juridiques pour limiter les effets de la pandémie, relève de choix et non de la nécessité : celui qui priorise la lutte contre cette pandémie (choix de limiter radicalement les effets de cette pandémie), et celui de mettre en place un tel dispositif plutôt qu’un autre (choix de confiner et d’autoriser à leur minimum la circulation et les échanges).  

Pour que « ça marche », pour que ces choix passent effectivement pour de la nécessité et de l’urgence – et maintenant de la guerre – il est sans doute important qu’ils soient minimalement en lien avec ce qui s’instille dans le corps social. Or, un sondage réalisé en 2014 pour le journal Le Parisien, faisait dire à ses organisateurs que 96% des français associent leurs vœux de bonne année à une bonne santé, illustration symbolique de la biopolitique analysée par Michel Foucault et qui serait désormais parachevée. A ce propos, Georgio Agamben vient juste de pointer aussi cette forme d’évidence que le pouvoir politique privilégie aujourd’hui la « vie nue », et en fait un système de justification du droit (entretien publié dans le journal Le Monde le 24 mars 2020 à la fin du mois de mars 2020 à la suite de son article publié dans Il Manifesto en Italie qui avait fait polémique). Ce système de justification opère d’autant mieux, ajouterais-je, qu’il semble que la « vie nue » soit en effet la seule chose que les personnes ne veuillent plus perdre, et pour laquelle ils acceptent ainsi de sacrifier quasi tout le reste. Dans sa chronique matinale du 14 avril 2020 sur France Culture, Hervé Gardette pose la question sans y répondre : « jusqu’où sommes-nous prêts à aller, jusqu’à quel sacrifice pour défendre ce droit (à la santé) ? » Et le chroniqueur d’évoquer tout de même une dictature sanitaire.

Les inquiétudes et les protestations du moment au regard des entorses, contournements ou oublis de l’Etat de droit et des libertés chèrement acquises sont légitimes, mais, au regard de la logique de l’« urgence sanitaire » (ainsi que le dit la loi du 23 mars 2020), elles sont quasi de nulle portée tant l’instance de l’intégrité corporelle de chacun semble devoir primer toute autre question.

Mais si la rhétorique de la nécessité rejoint aujourd’hui la préoccupation de la « vie nue », elle conserve encore une autonomie en tant que système de justification de la décision. L’argument de la nécessité, de la contrainte et de l’urgence n’est pas seulement devenue une habitude politique, elle a investi les fondements de son autorité, faisant office de paravent à l’identification de l’interprétation du monde qui est à l’œuvre et des choix qui sont en conséquence opérés. Et ces choix et interprétation emportent toujours des conséquences. Ce qui est donc présenté maintenant comme une guerre, comme une nécessité donc, et qui relève des choix et interprétations qui ont été faits, emporte maintenant des conséquences pour l’avenir, qui justifieront par la suite plus encore le recours argumentatif à la nécessité et à l’urgence pour pallier ce qu’on annonce déjà comme une crise après la crise, cette fois sur le plan économique. Les choix de demain sont faits en grande partie aujourd’hui  : parler déjà de « crise économique » n’implique pas la même chose, par exemple, que de parler de « crise sociale ». Cela n’emporte pas les mêmes nécessités, pas les mêmes mesures, sur le fondement de préoccupations fort différentes.

Les juristes peuvent s’indigner maintenant mais tout était là avant, et tout le sera encore plus profondément après. S’il y a un rôle des juristes à défendre, c’est celui de ne pas céder toujours à ce qui se donne à voir à tous. S’il s’agit de penser la compétence spéciale des juristes comme capable de participer à l’intelligibilité du monde, l’analyse de ce qui est moins visible mais pourtant bien réel est la seule ambition qui vaille la peine d’être poursuivie.

Je vous propose dans les semaines qui viennent une série de trois
textes sur le droit constitutionnel
[1], ce qu’on y voit et ce qu’on y voit moins. La stratégie de l’autruche s’y est imposée depuis longtemps.

Aujourd’hui, comme une mise en route et une forme de bilan, je vous propose le texte intitulé «La (dé)-raison du droit constitutionnel contemporain. Eléments pour un bilan».Ce texte a été rédigé dans le cadre de l’ouvrage hommage à Dominique Rousseau dont la remise a été retardée deux fois, une première fois pour des raisons techniques propres à l’éditeur, une seconde fois par l’impossibilité de poursuivre le processus à raison des mesures restrictives des échanges et des activités depuis le mois de mars 2020. Je le fais précéder d’un avertissement.

Je poste aussi la version de ce texte en anglais, pour le cas où vous voudriez
le faire passer à des collègues non francophones.

Bonne lecture à vous tous.

           
La (dé)raison du droit constitutionnel contemporain. Eléments pour un bilan

The
(un)reason of contemporary constitutional law. Elements for a balance sheet

Lauréline Fontaine – 14 avril 2020

[1]  Les deuxième et troisième textes ont été postés à la fin du mois d’avril (La stratégisation originelle de l’écriture (et de la réécriture constitutionnelle, présenté dans le cadre du texte intitulé mots du 29 avril) et au début du mois de juin 2020 ( Sur l’empreinte économique de la constitution américaine. lecture croisée de Charles Beard, co-écrit avec Violaine Delteil, et présenté dans le cadre d’un texte intitulé L’ignorance de la vie). 

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mars 2020

Du 49-3 et de la diversité

Bonjour à tous et à toutes, 

je vous propose aujourd’hui

Un peu de mathématiques pour se les rappeler

« 38+ 49.3 = 16 bis »

ET quelques grains de sables pour vivre :

Diversité à l’université

Lauréline Fontaine

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janvier 2020

La vie des hommes…

Pour commencer l’année, deux textes brefs.

L’un et l’autre sont opportuns en ce sens qu’ils sont attaché chacun à des événements particuliers ; mais l’un et l’autre ne se doivent qu’à la réalité continue des hommes

La vie des hommes infâmes (variation législative)

La vie des hommes in-femmes (variation littéraire)

Et toujours sur ledroitdelafontaine.fr : toutes les communications en image du colloque « Capitalisme, libéralisme et constitutionnalisme », Paris, juin 2019

Lauréline Fontaine

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Octobre 2019

Le temps de voir

Le temps de l’écriture est long.

Comme un effet de cela, les lectures estivales ont pris une forme inhabituelle, que je vous laisse découvrir ici.

Le temps de la lecture des actes du colloque « Capitalisme, libéralisme et constitutionnalisme » du 13 juin dernier n’étant pas encore venu, voici en attendant les vidéos des communications.

Le « focus » du moment est sans doute lié au thème du colloque… difficile à croire ?

Bonne écoute et bonne lecture

Lauréline Fontaine

L’été dernier ont été postés sur ledroitdelafontaine.fr :

1. Le droit et la politique (audio)

Entretien avec Stephen Breyer, juge à la Cour suprême des Etats-Unis

2. Le droit, l’homme et la société (vidéos)

Entretien avec Simone Gaboriau, magistrate honoraire et ancienne présidente du Syndicat de la Magistrature

3. La justice dans l’Italie de Salvini (texte)

Rapport de Mariarosaria Guglielmi, substitut du Procureur à Rome et secrétaire générale de Magistratura Democratica

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octobre 2018

(Re)cadrage

Chers tous,

L’intitulé de cette newsletter fait référence à la manière dont, progressivement, je mets et remets en place les éléments qui constituent ma discipline de travail, purgeant l’inessentiel au profit du fondamental souvent.

Voici donc quelques exemples :

 Si l’état de droit est dit aujourd’hui à l’abandon en Pologne ou en Hongrie, comme en Turquie , c’est peut-être parce qu’il n’est pas ce que l’on croit, ainsi que l’occasion m’en fut donnée récemment de l’exprimer en public : Eléments de discussion sur l’état de droit dans l’Europe contemporaine. Et un rappel de mon texte sur Le constitutionnalisme (turc) à l’abandon, à l’occasion de la sortie en septembre de l’ouvrage du Professeur Ibrahim Kaboglu, Liberté(s)! En Turquie ? En Méditerranée !aux éditions l’Epitoge.

 Si le conseil constitutionnel n’est toujours pas réformé, c’est peut-être parce qu’en faire une véritable juridiction casserait l’équilibre que l’on souhaite garder, ainsi que je l’exprime dans L’ENA hors les Murs : Qui a peur d’une juridiction constitutionnelle ?

 Si, pour un universitaire, lire – ou écrire –  parait la chose la plus naturelle du monde, le temps passant invite à un tri de plus en plus drastique, tout en maintenant l’envie, l’ouverture et une mise de soi : de nouvelles impressions de lectureen font un peu le constat.

*

Et, comme repenser en se débarrassant de l’inessentiel et en se recentrant autour du fondamental n’en concerne pas moins tout – ou presque , voici quelques nouvelles de l’avenir, préparé dans le présent :

               * Le séminaire Les usages du droit casse sa formule habituelle : notre petite équipe de travail (Yves-Edouard Le Bos, Guerric Cipriani et moi-même) fait le constat simple qu’en guise de conceptions du droit qui en détermineraient les usages, ce sont surtout les pensées sur d’autres systèmes ou rapports humains qui tendent à commander le droit qui se trouve ainsi pensé de manière conditionnée. Nous avons fait le choix de nous arrêter sur la pensée de quelques auteurs dont l’influence sur les représentations du droit aujourd’hui nous parait importante. Le premier d’entre eux est Cass R. Sunstein, sur lequel nous proposerons une ou deux rencontres d’ici la fin de l’année. Bruno Deffains, économiste, le dernier invité de la saison 2017-2018 du séminaire Les Usages du droit, avait parlé de cet auteur et de son influence. En attendant d’en retrouver les images, celles d’un autre économiste, Christian Bessy, qui nous livre ses Libres propos d’un économiste sur le droit et les juristes, sont à regarder et surtout à écouter absolument.

            * Si le constitutionnalisme est une simple technique, il me semble qu’il faut continuer à explorer le au service de quoi ?, et  j’ai donc décidé de « mettre les pieds dans le plat » en organisant, le 13 juin 2019 à Paris Sorbonne un colloque sur le thème suivant : Capitalisme, Libéralisme et Constitutionnalisme, formulant la thèse implicite d’une co-évolution non coïncidente… mes collègues Olivier Peiffert et Nicolas Brémand sont de la partie pour cette aventure. Le programme complet et encore une fois pluridisciplinaire sera bientôt mis en ligne.

           * A ce propos, les actes du dernier colloque pluridisciplinaire sur le constitutionnalisme, intitulé « Du discours au récit constitutionnel : analyses extra-juridiques du constitutionnalisme » qui s’est tenu à Paris le 8 juin 2017 (retrouvez le programme ici) paraîtront prochainement sous le titre Lire les Constitutions, aux éditions L’harmattan, collection Questions contemporaines.

          * Je tiendrai une conférence publique dans la Drôme ce vendredi 26 octobre, sur « L’homme et son droit dans la société contemporaine« , prémisse de l’ouvrage qui s’attachera à la question de la parole et du sujet dans les expressions du droit contemporain (à venir très vite !)

A très vite sur le site, et ailleurs. Bonne lecture.

Lauréline Fontaine

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Juin 2018

L’éveil des Sens (1)

Une première livraison estivale à découvrir, un site à voir ou à revoir

L’éveil au sens d’un constitutionnalisme à l’abandon
Quand la critique s’éveillera
L’explosion de sens à Amsterdam (un nouveau focus)  Et comme c’est l’été, n’hésitez pas à transmettre ces idées de lecture

Lauréline Fontaine

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janvier 2018

Le Droit de la Fontaine vous souhaite une excellente année 2018 8

Une histoire de chiffres en ce début d’année,

« Le café du commerce et le marc de Bruno » (« il faut prendre les chiffres tels qu’ils sont »,  un texte peut en cacher un autre)

Et une interrogation  sur l’éventualité d’une Constitution pour l’économie :

« Inventer une constitution pour l’économie ? », par Paul Jorion, Université Caholique de Lille (une vidéo)

*                 *

*

Et un rappel de la prochaine séance du séminaire Les usages du droit lundi 15 janvier de 12h30 à 14h, salle Max Milner, 17, rue de la Sorbonne

Histoire et droit : instrumentation (inévitable), discipline (réticente), dialogue (nécessaire)

Voy. aussi les vidéos et le compte-rendu de la séance du 4 décembre 2017 avec Catherine Larrère

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novembre 2017

Méthode Art(h)ivernale sur Le Droit de la Fontaine

A l’approche des grands froids d’hiver, j’ai pensé que je pouvais mettre Le Droit de la Fontaine sous le signe de la chaleur des arts et de leurs auteurs, tout en ne restant, à des titres divers, jamais complètement éloigné du droit. Voici donc un peu :

… de cinéma, avec une impression sur Des Lois et de Hommes, Par Guerric Cipriani (un texte), et avec une lecture philosophico-constitutionnelle de John Ford (L’Homme qui tua Liberty Valance) par Gérard Bras (Vidéo),

…de sculpture et de peinture, avec un nouveau Focus sculptural, avec Vincent Beillet Le Beherec (une photo et un site)  et un nouveau j’aime aussi pictural, avec Tine Panzuti (un site),

… de poésie, avec Alix Lerman Enriquez (des extraits et un site),

… de littérature, en Argentine avec Marcelo Raffin (une vidéo), et plus globalement dans mon texte sur Le genre constitutionnel et l’utopie (un texte),

…de presque tout ça à la fois, avec Jean-Thibaut Fouletier (son site et ses nouveaux ouvrages),

… d’ « artisanat » au sens propre du terme, avec les analyses fort éclairantes d’une juriste en milieu non juridique, Isabelle Doussan (un compte-rendu et deux vidéos)

et de se demander si tout cela est très sérieux, puisque, sérieusement, « il faut prendre les chiffres tels qu’ils sont » (un texte peut en cacher un autre)

Bonne balade, divagation, perdition, enthousiasme et tout ce que vous voudrez pour cette saison

Au plaisir de vous entendre, de vous lire, de vous voirLauréline Fontaine

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octobre 2017

Le droit de la Fontaine en peu de mots

Bonjour à tous,

On ne fait bien du droit qu’en faisant autre chose décidément : 

L’épisode 2 des impressions de lectures estivales y concourt, 

L’analyse des Constitution comme genre littéraire aussi : un texte inédit,

Le regard (un peu) critique sur des thèses critiques sur le droit : remarques sur L’analyse juridique de (x)

*          *

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Et voici aussi qui clôt l’épisode sur la réforme souhaitée du Conseil constitutionnel : Entretien.

Et un rappel pour terminer : le séminaire Les usages du droit reprend, à partir du 6 novembre, et nous serons en Sorbonne salle Max Milner. Au plaisir de vous y voir.

A très bientôt

Lauréline Fontaine

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septembre 2017

En Altitude

De retour d’un été particulièrement dense, voici quelques impressions de lectures, en étoiles et en hauteurs, car une lecture ne se fait jamais pour elle-même, elle accompagne comme elle s’accompagne, et, résolument, elle reste complètement personnelle, ce qui lui fait un point commun avec l’écriture.

*

De l’écriture à la représentation, se trouve toujours l’immense question de la correspondance entre la graphie du mot et la chose qu’il est censé dire : pour une fois je vous propose un détour par le trait et la couleur pour parler de l’altitude.

*

La singularité de chaque écriture n’empêche pas qu’elle puisse se partager, pour devenir un autre singulier : pour cette rentrée la revue Droit Social fait paraître l’article co-écrit avec Alain Supiot : Le Conseil constitutionnel est-il une juridiction sociale ? version (beaucoup plus) longue que la tribune parue dans Le Monde daté du 15 juin (pour mémoire).

*

Il se trouve qu’Alain Supiot et moi-même avons aussi parlé, mais surtout fait parler Justice Alam, ancien membre de la Cour Suprême d’Inde, à propos de sa conception de la Cour Suprême, de la justice et de son travail : à écouter ici.

*

Et une bonne nouvelle encore, le séminaire Les usages du droit reprend, à partir du 6 novembre, et nous serons en Sorbonne salle Max Milner.

A très bientôt

Lauréline Fontaine

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octobre 2016

Je tenais à vous informer des publications sur Le droit de la Fontaine depuis le début de l’été, qui j’espère vous inviteront encore un peu à vous pencher sur notre objet si « spécial » qu’est le droit.

 * En attendant quelques articles de fond d’ici quelques toutes petites semaines, je vous invite à quelques aventures et détours qui finissent toujours par retomber sur le droit :

        – Marche ou rêve, épisode 2

        – Marche ou (c)rève, épisode 3/3

        – Du voile toujours (mais pas de celui-là)

* Dans le cadre du colloque qui s’est tenu l’an dernier sur « Quelles perceptions extra-juridiques de la Constitution ? », voici la 2ème et avant-dernière partie des actes :

           – Actes de la journée d’étude « Quelles perceptions extra-juridiques de la Constitution? », 15 octobre 2015, Paris- Sorbonne, Partie 2

Je tenais aussi à vous informer que le séminaire Les usages du droit fait une pause sabbatique pour l’année 2016-2017, pour mieux revenir en 2017 , et que le compte-rendu de la dernière séance 2016 est désormais disponible :

        – Les usages du droit en sabbatique    – Des règles pour le langage et du langage pour les règles

Pour l’envie, je vous offre 2 impressions de lecture :

    –E. Kantorowicz, Mourir pour la patrie et J. Goody, Le vol de l’histoire.

Et si vous souhaitez publier quelque chose sur Le droit de la Fontaine, n’hésitez pas à m’en parler.Je vous souhaite une très bonne rentrée !

Lauréline Fontaine

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août 2016

Le Droit de la Fontaine d’été

Quelques nouveautés et un rappel sous forme de sommaire des livraisons précédentes,  puisque l’été est propice certes à l’écriture, mais aussi à la lecture. Et tout cela donne des idées pour la suite !

Très bon été à tous et de très bonnes lectures aussi. 

L.F. 3 août 2016

– Avant une pause sabbatique du séminaire Les usages du droit durant l’année 2016-2017, voici le compte-rendu de la dernière séance avec le linguiste Patrick Renaud, Professeur Emérite de la Sorbonne Nouvelles : « Des règles pour le langage et du langage pour les règles ».

– De toujours, les faits s’analysent et s’interprètent selon des modes et des modalités… qui modèlent l’action. Deux exemples sous forme d’impressions de lecture :

  • Mourir pour la Patrie, textes de Ernst Kantorowicz réunis par Pierre Legendre en 1984 (PUF) ;
  • Le vol de l’histoire, Jack Goody, son avant-dernier ouvrage réédité en Folio en 2015.

– Actes de la journée d’étude sur « Quelles perceptions extra-juridiques de la Constitution ? », Partie 2 : textes de Paul-Laurent Assoun, psychanalyste, Université Paris Diderot, Le désir de Constitution à l’épreuve de la psychanalyse. Freud avec Kelsen, et Bernard Bartenlian, chercheur CNRS dans le domaine des Nanotechnologies, centre C2N, Les nanosciences sous le regard (ou pas) de la Constitution française.

– Le sommaire du Droit de la Fontaine – été 2016, des brèves, des articles, des entretiens, à lire ou à relire, à voir ou à revoir…

Lauréline Fontaine

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Février 2016

La prochaine séance du séminaire Les usages du droit aura lieu le lundi 22 février 2016 à 16h avec 

le recteur Gérard-François Dumont, Géographe, Université Paris IV.

La séance aura lieu en salle 16 de l’Institut du Monde anglophone, 5, rue de l’école de médecine, 75506 Paris, métro Odéon ou Cluny La Sorbonne.

Le principe du séminaire est expliqué ici.

Viennent également de paraître sur Le Droit de la Fontaine : 

– En dire plus, comme juriste, sur le phénomène constitutionnel (texte) par Lauréline Fontaine
– De quoi le droit est-il le symptôme ? (Compte-rendu du séminaire Les usages du droit, 18 janvier 2016, avec Anne-Laure Boch, Neurochirurgienne) par Lauréline Fontaine
– Analyser le droit : pourquoi faire ? (Compte-rendu analytique et critique de deux articles sur la question du « marché » des normes et des systèmes juridiques), par Lauréline Fontaine
– Le crépuscule de la Constitution  (billet invité), par Iphigénie Kamtsidou

Bien à vous

Lauréline Fontaine

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février 2016

Ce mois-ci, Le Droit de la Fontaine vous propose quelques nouvelles réflexions et analyses du phénomène juridique et de la pensée juridique :

  • Quelques réflexions d’abord à l’issue du séminaire les Usages du droit, le 18 janvier dernier, avec Anne-Laure Boch, Neurochirurgienne et docteure en philosophie éthique, qui a une fois de plus mis en lumière la problématique de l’idéologie de la base scientifique des « décisions » qui sont prises, dans tous les domaines : De quoi le droit est-il le symptôme ?Refaire le parcours. L’exemple de la médecine. Un renvoi ets fait sur un article d’Anne-Laure Boch sur ces questions.
  • Un compte-rendu analytique et critique de deux articles parus en 2005 et 2014 ayant un thème commun, celui du marché des normes et des systèmes juridiques, dont la lecture croisée permet de reformuler une fois de plus la question suivante : Analyser le droit, pourquoi faire ?
  • Comme un écho à cette interrogation, je vous propose le texte légèrement remanié de ma communication faite le 27 janvier dernier lors de la Journée nationale de l’Association Française de Droit Constitutionnel sur « Le droit constitutionnel et les autres sciences. Quel intérêt ? Quelle finalité ? », qui contient une interrogation sur l’étendue et la réalité du phénomène constitutionnel et ses outils d’analyse. En prime dans ce texte, un tableau !
  • Enfin, un nouveau billet invité, celui de la Professeure Iphigénie Kamtsidou, de l’Université de Thessalonique, intitulé Un état d’exception nullement exceptionnel, ou, du mon point de vue, comment le droit disparaît derrière la nécessité pour ne plus être un instrument de gouvernement. A lire évidemment.
  • un nouveau « focus du moment »

Je vous souhaite de nouveau une très bonne lecture. N’hésitez pas à « faire passer » comme on dit. 

Lauréline Fontaine

Et à venir, dans les prochaines « livraisons » du Droit de la Fontaine :

  • Compte-rendu de la séance du séminaire Les usages du droit avec Laurent Guihéry, spécialiste de l’aménagement, Professeur à l’Université de Cergy-Pontoise, qui nous conduira à interroger encore la perméabilité des frontières entre le droit et la discipline juridique ;
  • Lettres persanes : Usbek, ses descendants, et l’état d’Urgence en France (brève)
  • Les théories du pluralisme et la connaissance du droit (texte)
  • Présentation d’ouvrages (Bernard Lahire, Ceci n’est pas qu’un tableau, éd. La découverte, 2015, Jack Goody, Le vol de l’histoire, Folio Histoire, 2015, Ernst Kantorowicz, Mourir pour la partie, Présentation par Pierre Legendre, PUF, 1984).
  • Des entretiens :

– Entretien avec Alain Supiot, Professeur au collège de France, sur le contenu et l’étendue de l’analyse juridique dans le cadre général des sciences sociales.

– Entretien avec Bruno Cotte, ancien président de la chambre criminelle de la Cour de Cassation française et ancien juge à la Cour Pénal Internationale, sur la conception et la direction du jugement (voir déjà le texte qui précède l’entretien sur le site)

– Entretien avec Constance Grèwe, professeure émerite à l’Université de Strasbourg et juge à la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine sur cette cour si particulière et les fonctions de juge dans ce cadre ?

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janvier 2016

Chers abonnés,


J’espère que vous avez tous passé de très bonnes fêtes de fin d’année et je suis heureuse de vous envoyer la 1ère newsletter de LdlF. 


Pour ce 1er envoi, je vous propose une brève sur la parole médiatique des juristes, qui vous invite à entamer une réflexion sur ce que disent les juristes dans l’espace des médias, pourquoi ils le disent et ce qu’ils en pensent.


Et puisqu’il faut bien trouver sa place justement, je vous livre un petit texte à propos des décisions rendues par le Conseil d’Etat le 11 décembre dernier validant les assignations à résidence de militants écologistes, dans lequel je m’arrête sur une disparition à la Georges Perec, qui, pas plus que la lettre volée d’Edgar Poe, ne semble être aperçue des commentateurs juristes qu’à la condition de ne pas avoir de conséquences.


Enfin, vous prendrez connaissance du premier billet invité, celui de Bruno Cotte, ancien haut magistrat français et qui a exercé la fonction singulière de juge à la Cour Pénale Internationale : il livre quelques mots sur la manière dont il a pu appréhender sa fonction de juger dans ce contexte si particulier. Ce billet précède un entretien que j’aurai avec Bruno Cotte dans quelques semaines sur son travail de juriste qui l’a conduit à solliciter le travail d’un anthropologue et d’un spécialiste des sciences sociales. Bien entendu cet entretien sera publié sur ledroitdelafontaine.fr


Si ces textes vous intéressent, n’hésitez pas à les partager ! 

Et enfin, le séminaire Les usages du droit aura lieu le 18 janvier de 16h à 18h avec Anne-Laure Boch, neurochirurgien et docteur en philosophie éthique, et le 25 janvier de 16h à 18h avec Laurent Guihery, Economiste, Université de Cergy-Pontoise. Les séances ont lieu à l’Institut du Monde anglophone, 5, rue de l’école de Médecine dans le 6è arrondissement. Vous trouverez un rappel du principe de ce séminaire en cliquant sur l’annonce du séminaire dans le menu à droite. 


Bonne lecture et bonnes rencontres !

Lauréline Fontaine

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Catégories Textes et Etudes Étiquettes bon gouvernement, Conseil Constitutionnel, constitution de 1958, contre-pouvoir, gouvernement des lois, Lorenzetti, vertus
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